LA NOTE DE VIE SCOLAIRE : UNE ABERRATION PÉDAGOGIQUE INUTILE ET INJUSTE

mercredi 16 mars 2011
par  Sud éducation 66

Par Marc Anglaret

« C’est aux esclaves, non aux hommes libres
qu’on donne des récompenses pour leur bonne conduite. »
Spinoza, Traité politique

Instaurée à la hâte en mai 2006, la note de vie scolaire (spécifique au collège) porte sur quatre domaines : 1° l’assiduité ; 2° le respect du règlement intérieur dans son ensemble ; 3° « la participation de l’élève à la vie de l’établissement ou aux activités organisées ou reconnues par l’établissement » ; 4° éventuellement, « l’obtention de l’attestation scolaire de sécurité routière et de l’attestation de formation aux premiers secours ».

La circulaire ministérielle définissant la mise en œuvre de la note de vie scolaire est édifiante : « L’apprentissage de la civilité et l’adoption de comportements civiques et responsables constituent des enjeux majeurs pour le système éducatif. La note de vie scolaire (…) contribue, en donnant des repères aux élèves, à faire le lien entre la scolarité, la vie scolaire et la vie sociale. Elle est destinée à valoriser les attitudes positives vis-à-vis de l’école et vis-à-vis d’autrui. » C’est donc officiel : c’est par la carotte et le bâton qu’on donne « des repères aux élèves » (quels repères !) et qu’on les incite à adopter des « comportements civiques et responsables » ! Mais quelle responsabilité peut bien être celle d’un enfant qui attend une récompense s’il va normalement en classe, s’il participe un peu au-delà des obligations scolaires à des activités artistiques ou sportives, ou pire encore, à des « action envers les personnes âgées ou handicapées ; action contre les discriminations ; participation à une action de solidarité internationale ; action en faveur du développement durable… », selon la même circulaire ? Cette conception effroyablement cynique de la « responsabilité » est en réalité en parfaite cohérente avec le néo-libéralisme du gouvernement : les choses inutiles doivent devenir utiles, c’est-à-dire rentables.

Rappelez-vous, c’était en 2009 : trois lycées professionnels de l’académie de Créteil avaient créé une “cagnotte” pour lutter contre l’absentéisme, alimentée en proportion de l’assiduité des élèves. Ce projet, défendu à l’époque par Martin Hirsh, avait déclenché un salutaire tollé. Pourtant, la note de vie scolaire répond au fond à la même logique.

En plus d’être pédagogiquement désastreuse, la note de vie scolaire est évidemment inutile : qui peut en effet penser qu’il s’agit d’une réponse adaptée aux difficultés scolaires et aux problèmes de discipline et d’assiduité des élèves ? Prévisible, l’inefficacité de la note de vie scolaire est maintenant confirmée dans tous les collèges.

La note de vie scolaire est enfin profondément injuste, car elle conduit inévitablement à la double et même la triple peine : d’abord, quand il ne respecte pas le règlement intérieur, un élève est sanctionné (on n’avait pas attendu cette note !). Dans un deuxième temps, le comportement en classe donne lieu à une évaluation en conseil de classe et influence l’orientation. Et on s’y recolle une troisième fois avec la note de vie scolaire qui compte pour le brevet (diplôme qui sanctionne, en théorie du moins, des connaissances)…

Injuste, cette note l’est aussi dans la mesure où elle dépend de la classe de l’élève, du professeur principal, des professeurs qui notent plus ou moins les “dérapages”. Elle dépend aussi des parents qui justifient ou non les absences. Elle dépend enfin de l’établissement, comme le montrent les barèmes très différents mis au point dans de nombreux collèges, alors que dans d’autres, on “oublie” systématiquement de la mettre, avec l’accord (faut-il dire la “complicité” ?) tacite du principal.

C’est là, au fond, tout ce que mérite la note de vie scolaire : le boycott !