Thélot, boulot, bobo !

jeudi 7 octobre 2004
par  Sud éducation 66

Tout le monde se souvient du Grand Débat sur l’Ecole organisé l’hiver dernier par notre ministère. Proposé après les grèves du printemps 2003, pendant lesquelles le gouvernement s’est montré fermé aux discussions, nous avons été nombreux à considérer ce débat comme tronqué, à refuser d’y participer, jugeant que les dés étaient pipés.

Après la publication de la reproduction des débats dans « le miroir » au mois de juin, suffisamment ouverts pour être interprétable à volonté, voilà aujourd’hui la version définitive du rapport Thélot.

Intitulé « Vers la réussite des élèves », ce rapport servira de base à une nouvelle loi d’orientation (printemps 2005) fixant de nouveaux objectifs « pour améliorer le système éducatif ».

Les recettes du rapport Thélot :

1) L’école du rapport Thélot ne vise plus l’épanouissement personnel. Ses objectifs se limitent à l’efficacité professionnelle de l’individu, en confinant le futur salarié dans un « minimum utile » pour la société. Elle n’est plus le lieu de l’émancipation politique de l’individu, du développement du libre-arbitre. Le « socle commun de l’indispensable » réunit l’anglais, les nouvelles technologies, à côté du français et des maths.
Mais oui, au fait, ça sert à quoi les arts et les langues anciennes dans l’entreprise – il n’est fait aucune mention de l’histoire, la géographie, des langues autres que l’anglais dans ce rapport – ? On ne cherche plus à avoir des citoyens, il suffit d’avoir des salariés. Le développement de la personne, de la culture, de l’esprit critique n’est alors proposé qu’à une élite, pour qui les fondamentaux sont maîtrisés.

Pour eux, les enseignements optionnels devront servir leur orientation. Mais pour les autres, la scolarité obligatoire se réduira à l’apprentissage des fondamentaux, et évidemment d’un métier.

C’est étonnant, cela me rappelle un jour d’avril ou mai 2003, j’étais enseignante (en grève) à Montpellier, où un député local (J. Doumergue,UMP) avait reçu une délégation de nos représentants. Il nous avait dit « il faut recentrer l’école sur les apprentissages fondamentaux que sont l’anglais, l’informatique, le français et les maths ». Ce devait être un visionnaire, un avant-gardiste, pour connaître les conclusions du rapport Thélot avant même que le débat ne soit annoncé.

Dans ces conditions, supprimons l’objectif des 80% d’une classe d’âge au Bac – ce que prévoit le rapport Thélot ! L’important n’est pas de tirer les élèves vers le haut, il suffit qu’ils quittent l’école avec un diplôme professionnel, quel qu’il soit. Pourtant, renoncer à cet objectif, ce n’est pas un moyen de lutte contre les inégalités, mais seulement un moyen de s’y adapter, notamment quand la concurrence entre les établissements est accrue à travers des enseignements différents, le manque de moyens, les mode de recrutement du personnel (avec davantage de liberté donnée aux chefs d’établissement dans les zones dites difficiles)

2) Toujours pour aider les élèves, il est question de porter le service des enseignants à 26/27 h hebdomadaires (gardons à l’esprit que les profs sont des feignants), rattacher collège à l’élémentaire par le biais des cycles, ouvrir les professeurs de collège à une polyvalence disciplinaire. Par contre, on ne fait pas mention des milliers de postes d’enseignants, de surveillants, supprimé, dans le secondaire notamment, ni des classes, de plus en plus nombreuses, maternelles ou primaires, où les effectifs dépassent les 30 élèves.

Certes il y a de bien jolies idées dans ce rapport : « garantir l’égalité des chances et des résultats, […] assurer les conditions de possibilité de l’acte pédagogique et du vivre ensemble à l’école en développant l’éducation à la civilité et à la citoyenneté ».

Mais les concepts de démocratisation et d’égalité n’existent que par rapport à un projet de société que l’on veut construire. A travers la « réussite de tous », c’est la notion de réussite dans la société économique et actuelle qui est en jeu. Elle repose sur les politiques économiques menées, en confinant les futurs salariés à un « minimum utile » pour la société.

C’est ainsi que l’école doit laisser, le plus tôt possible, sa place au monde économique et passer le relais à la formation tout au long de la vie. Elle est ainsi conçue comme uniquement au service de l’économie et l’éducation n’est plus pensée comme vecteur objectif dans la construction de la société de demain.

Pauline Gairin