Ça devait bien arriver... (le M.E.D.E.F. et l’école)

vendredi 14 mai 2004
par  Sud éducation 66

Le MEDEF pousse les feux. Pourquoi s’en priverait-il ? Il siège ès qualités au sein même du gouvernement, est hégémonique dans les médias et peut se féliciter de trouver des oreilles complices dans les plus hautes sphères de l’administration. Quand le rapport de forces lui paraît favorable, il ne manque pas une occasion d’avancer ses pions. Sur le terrain scolaire, par exemple, comme en témoigne la charte signée le 28 novembre 2003 par le MEDEF de Poitou-Charentes et l’Académie de Poitiers (1). MEDEF et Poitou, ça nous évoque bien quelque chose d’ailleurs, Seillière plus Raffarin : un attelage qui a déjà fait ses preuves…

Disons-le crûment : ils n’y sont pas allés de main morte. Ce qu’ils officialisent, c’est la naissance d’un partenariat permanent entre les patrons et l’Education nationale. Le projet est sans ambiguïté : préparer « les modalités d’adaptation de la formation professionnelle liées aux évolutions technologiques et économiques. » Des esprits chagrins parleront peut-être d’instrumentalisation de l’enseignement… En tout cas, le MEDEF se chargera d’exposer les besoins des entreprises, de donner son avis sur les modifications des « structures pédagogiques » et, en toute objectivité, dispensera une information sur l’orientation des jeunes. Les élèves et leurs parents ainsi mis en condition, nos deux complices pourront alors proposer des formations en alternance, inviter « des professionnels qualifiés (à) participer aux enseignements dans des secteurs spécifiques » et le MEDEF, toujours dévoué, « apportera son concours technique aux différentes actions d’évaluation et de validation, notamment en vue de la délivrance de l’enseignement technologique et professionnel. » Tout un programme, où le « notamment » en dit long sur les intentions patronales.

Et ce n’est pas tout. Généreux comme il sait l’être, il n’hésitera pas à donner un coup de main (désintéressé) pour la « formation et l’information des enseignants (en particulier ceux des collèges ou de l’enseignement technologique et professionnel) et à la « conduite de projets innovants » avec les établissements. Pareil plan mérite d’être conduit de main ferme. Douze patrons à parité avec douze représentants de l’Académie vont s’y employer pour « définir les priorités », assurer « le suivi des projets » et « impulser et piloter les orientations stratégiques. » Pas moins. A cette fin, il sera assisté d’un Comité technique, tout aussi paritaire (des « acteurs de terrain » venus des entreprises et de l’Education) qui sera chargé de mettre en musique les directives patronales.

Ce document signe ainsi l’entrée officielle du MEDEF dans l’Education et la mort programmée du service public. Choix des filières, contrôle des contenus et des méthodes, mise sous tutelle des enseignements, délivrance des diplômes… cette expérience pilote préfigure ce que sera demain l’école néolibérale. Elle étonnera seulement ceux qui ont oublié les multiples avertissements généreusement prodigués par le patronat dans ses publications. « La formation initiale… (doit) s’ouvrir davantage sur le monde de l’entreprise. Il importe de tisser des relations plus étroites entre l’Ecole et l’entreprise pour pouvoir partager une vision commune du monde du travail. » (La compétence professionnelle, enjeu stratégique – Cahiers du MEDEF-2002).

Article extrait du bulletin n°11 de la commission ECOLE & MONDIALISATION CAPITALISTE de SUD éducation.