Conférence du MEDEF à Céret

vendredi 2 janvier 2004
par  Sud éducation 66

La conférence-débat qui s’est tenue à Céret le 19 novembre s’inscrit dans le cadre d’une convention signée entre le recteur de l’académie de Montpellier et le président du Medef Languedoc-Roussillon. Elle permettra de « créer des passerelles » entre l’école… et l’entreprise. Cette expression, vous l’avez peut-être entendue dans les discours du… baron Ernest-Antoine Sellière. Sans vouloir jouer les Cassandre, le Medef dans l’école, c’est le cheval dans Troie.

Et que disent les patrons ? Comment voient-ils :

Les lois sociales

« L’entreprise n’a pas possibilité d’influencer les lois, ce sont les lois qui pèsent sur l’entreprise » J.M. P., représentant de l’Union Patronale 66 (antenne locale du Medef). C’est un thème très récurrent chez les patrons de les entendre se plaindre car ils sont victimes, en France, de lois trop contraignantes. Ces lois qui pèsent sur l’entreprise sont les lois sociales ou découlant de ces lois (impôts, charges, 35h …).
« Il y a encore des choses à faire en France, plus qu’on ne le croit » G. S., patron de Bricomarché (les Mousquetaires). En effet, le Medef a déjà beaucoup fait : licenciements, délocalisations, régions vidées d’espoir, mais il reste encore toutes ces lois (voir plus haut).

L’école

Le ton est donné par P. S., patron de Stationmarché (les Mousquetaires) : « l’école qui vous a rempli la tête de mauvaises idées. » No comment. Du même : « Si vous n’avez pas le bac, c’est pas grave ». Cette idée sera répétée à l’envi par les invités devant un parterre d’élèves… de terminale ! Du même orateur, cette définition de la culture générale : « Lire, écrire, compter de tête, s’exprimer sans fautes, sans grossièretés, accepter de travailler quand on vous le demande, par exemple le matin, le soir (sic). » Confirmation par I. D., patron d’une agence immobilière : « Le bac en lui-même, c’est pas ce qui fera le vous de bons chefs d’entreprise. […] Moi, j’ai tout fait (les petits boulots). »

Le travail

Tous ou presque ont gravi les échelons vers la place lumineuse et dorée. Ils n’ont jamais rechigné devant le boulot. Pourtant, « huit heures par jour à faire un travail que je n’aime pas, moi je ne peux pas. » dit M.-F. C., patron des taxis, ambulances, corbillard. Qui sont donc ces sadiques qui demandent à leurs salariés de telles contraintes, on se perd en conjectures… R. C., patron du Casino de jeux, a sa vision du travail : « Les gens aujourd’hui avec les 35 heures, les loisirs, refusent les contraintes : travailler le week-end, à Noël et le 1er Mai (sic). » Et de conclure : « Le travail, le travail et encore le travail. » Que d’audace dans le discours ! Et si vous aviez encore un doute, M.-F. C vous l’ôte avec ce joli : « On a enterré hier le dernier boulot peinard bien payé. »

La démocratie

Pendant le débat, quand un participant demande quelle est la place des salariés et des négociations dans l’entreprise, il lui est répondu qu’ « il serait dommage que le débat dérape. » ou encore : « Je ne suis pas un syndicaliste, je suis un salarié. Je ne suis pas venu parler de délocalisations. » À la question : « Pourquoi la présence de tous les lycéens de terminale est-elle obligatoire ? » il est répondu : « On n’a pas eu le temps de réagir, il fallait faire vite. On ne l’a su que très tard. Et il y avait les vacances… » Réponse bien brouillonne pour une conférence prévue de longue date.

Pour conclure, cette conférence n’était pas de l’information mais bien de la propagande par un groupe de pression qui se présente comme représentant le patronat. Quant à elle, la direction de l’établissement considère l’intervention comme formatrice pour les élèves.

Jean-Pierre Brumard