ÉCOLE MATERNELLE : CYCLE ZÉRO ?

jeudi 9 décembre 2004
par  Sud éducation 66

L´école maternelle française est une exception en Europe et dans le monde. Les directives de l´OCDE vont dans le sens d´une réduction des services publics au strict minimum, il n´est pas étonnant que notre maternelle soit la première attaquée :

12 octobre 2004 : rapport Thélot. Quelques phrases encensent la maternelle pour mieux sonner le glas. N´est répertoriée que la Grande Section parmi les cycles de scolarité obligatoire :
Cycle 1 : cycle d´apprentissages de base (GS / CP / CE1)
Cycle 2 : cycle d´approfondissement (CE2 / CM1 / CM2 / 6ème)
Cycle 3 : cycle de diversification (5ème / 4ème / 3ème)

Les Petite et Moyenne sections ne rentrent plus dans le socle commun qui fait la force de l´école maternelle française. Le cycle des apprentissages premiers deviendra-t-il le cycle zéro ?

Le rapport Thélot n´est qu´un rapport. Mais, le texte paru le 30 septembre 2004 dans le BOEN spécial n° 10 concernant le droit à l´éducation est une réalité : Il n´évoque plus explicitement le droit d´être accueilli à trois ans dans une école maternelle comme auparavant (BO n°7 spécial, 13 juillet 2000). Par contre, il envisage clairement l´éventualité d´absence d´école ou de classe maternelle, permettant ainsi aux mairies d´organiser à leur façon l´accueil des enfants avant 5 ans : de façon scolaire ou non.

Ce texte mis en parallèle avec les démarches qui permettraient aux structures d´accueil de la petite enfance de prendre en charge les enfants jusqu´à cinq ans (dans les crèches par exemple) nous fait craindre la disparition progressive de l´école maternelle.

La scolarisation des enfants avant cinq ans reste-t-elle une priorité politique en France ?

D´ores et déjà des pratiques sont imposées dans certains départements : Par exemple, l´accueil des tout-petits par une enseignante se fait exclusivement le matin ; l´après-midi ils sont pris en charge soit par du personnel municipal au sein de l´école, soit rendus aux parents. Pendant ce temps, les enseignants de petite section sont réquisitionnés pour assurer la mise en place des CP dédoublés prônés par Luc Ferry, assurer des décharges ou effectuer des remplacements. C´est une façon détournée de modifier le paysage scolaire par un chantage local à la fermeture de classes qui isole l´enseignant et ne permet pas une réponse solidaire collective.

L´obligation scolaire à cinq ans est un effet d´annonce dans la mesure où actuellement la quasi-totalité des enfants va à l´école à cet âge là. Pourquoi mettre en exergue la grande section ?

Depuis quelques années, l´instauration d´évaluations en Grande Section, proposées comme outils de travail au départ, mais devenues systématiques voire obligatoires, fait entrer l´enseignement en maternelle dans une démarche de plus en plus normative. Nous savons que l´enfant a besoin de temps, de sécurité pour apprendre, mais aussi qu´entre deux et six ans, le développement spectaculaire est très différent d´un enfant à l´autre. Nous pensons que cette pression (exercée sur les enfants, les enseignants et les parents) ne favorise pas la confiance nécessaire à l´enfant pour entrer dans les apprentissages.

Nous craignons que l´entrée de la grande section dans le cycle des apprentissages de base corresponde à une volonté systématique d´apprentissage précoce de la lecture et à la disparition de tout ce qui fait la spécificité de la maternelle : que deviennent l´expression corporelle et artistique, l´ouverture sur le monde, l´accès gratuit pour tous à une culture populaire commune ?

Nous, enseignantes et enseignants Freinet, réaffirmons la nécessité de placer l´enfant au centre des apprentissages de la maternelle à l´université ! Or les apprentissages d´un petit sont du même ordre que pour celui qui fréquente l´école élémentaire, le collège ou le lycée : il a besoin d´enseignants compétents au sein d´une école spécifique telle que Pauline Kergomard l´a construite !

Nous réaffirmons notre attachement à l´école maternelle française, gratuite, laïque et ouverte à tous dès l´âge de deux ans dans des conditions de respect du rythme, des besoins et du développement de l´enfant jusqu´à six ans. Nous tenons à une existence autonome d´une école maternelle de qualité ouverte à tous, au sein d´un système éducatif cohérent.

Aujourd´hui la maternelle... et demain ?

ICEM - Pédagogie Freinet