Édito - Après 5 ans de Blanquer, quel bilan, quelles perspectives ?

lundi 28 mars 2022
par  Sud éducation 66

Christopher Pereira

Les prochaines élections arrivent et, avec elles, le classique temps des bilans. Un exercice dont M. Blanquer est devenu maître dans la catégorie « auto-satisfaction ». En effet, à l’entendre parler et discourir, tout va bien depuis cinq ans. Tout va mieux, même ! Mais, à l’heure des bilans, il apparaît nécessaire de faire preuve d’une mémoire politique qui peut parfois faire défaut… Cela peut toujours être utile si l’on hésite à choisir son camp au moment de glisser son bulletin dans l’urne, que ce soit pour les présidentielles comme pour les législatives qui suivront.
Tout d’abord, souvenons-nous de ce que déclarait le ministre de l’Éducation peu après sa nomination : « Il n’y aura pas de Loi Blanquer, j’en serai fier1 ». C’est pourtant deux ans plus tard, le 28 juillet 2019, qu’est promulguée la loi pour une École de la confiance, précédée de peu par la réforme du baccalauréat et la mise en place du système d’orientation post-bac Parcoursup. Passons outre le fait qu’il se contredise, de quoi Jean-Michel Blanquer peut-il être fier après cinq années d’exercice ?
Le ministre peut être fier d’avoir contribué à accentuer les inégalités entre les élèves. La réforme du lycée, qui supprime les filières au profit d’un système flexible et à la carte, avait été critiquée dès le début. Ainsi, les inégalités de budget entre les établissements font qu’ils ne vont pas offrir la même palette de spécialités dont certaines valorisées pour l’accès au supérieur. De façon éclairante, la suppression du tronc commun de mathématiques a eu pour conséquence une sous-représentation des filles dans le choix de cette spécialité pour le bac, de même que la part des élèves d’origine sociale défavorisée. Tant et si bien que le ministre doit faire machine arrière et consentir à faire revenir les mathématiques dans le tronc commun de première et terminale.
Le ministre peut être fier d’avoir contribué à restreindre l’accès à l’enseignement supérieur. Désormais, il ne suffit plus d’avoir son baccalauréat pour accéder à l’université. Il faut faire avec les algorithmes de Parcoursup. Or, cette plateforme rejette 109 000 néobacheliers et principalement ceux d’origine populaire2. Jean-Michel Blanquer prétendait lutter contre l’échec scolaire lors des premières années d’études post-Bac. On aurait pu le faire en recrutant davantage d’enseignants dans les universités… Mais non. Il est vrai que cela coûte moins cher d’en restreindre l’accès directement. Nous sommes désormais passés d’une logique de « droits d’accès au supérieur » à une logique du tri social, selon le lycée d’origine et l’origine sociale des élèves, en faveur des plus privilégiés.
Le ministre peut être fier d’avoir favorisé l’enseignement privé. S’il cherche absolument à se donner une image de grand laïc, les liens de Blanquer avec les milieux catholiques conservateurs sont connus, à commencer par SOS éducation. La part du budget de l’enseignement scolaire dédié au privé est en constante augmentation (10,5 %, soit près de 8 milliards d’euros3) et progresse plus vite que le public (+1,51 % pour le 2nd degré public, +3,21 % pour le privé sous contrat). De plus, l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans va obliger les communes à contribuer également au financement des écoles maternelles privées dont la majorité sont catholiques. Une aubaine financière pour ces établissements qui pourtant font le lit du tri social.
Le ministre peut être fier d’avoir contribué à supprimer des milliers de postes dans l’Éducation nationale. En effet, depuis le début de son mandat, Jean-Michel Blanquer a supprimé 7900 postes dans le second degré, soit l’équivalent de 166 collèges. Les personnels de l’Education nationale dénoncent unanimement le manque de personnels enseignant·e·s, d’AESH, de Vie scolaire, de médico-sociaux, administratifs et techniques. Malgré tout, le ministère poursuit son entreprise de casse du service public en supprimant 440 postes dans les collèges et les lycées à la rentrée 2022. Ces suppressions de postes aggravent les inégalités scolaires et sociales et conduisent à augmenter le nombre d’élèves par classe au détriment de la qualité de l’enseignement.
Le ministre peut être fier d’avoir contribué à faire des économies sur le dos des personnels. En effet, M. Blanquer se vante d’avoir augmenté les budgets de l’Éducation nationale « comme jamais ils ne l’avaient été ». Pourtant, depuis 2019, leur part dans le PIB est descendue à 6,6 %… Alors qu’elle était de 7,7 % en 1994. En réalité, l’État n’a jamais dépensé aussi peu de son budget pour l’EN depuis près de 30 ans… À cet exercice, Jean-Michel Blanquer fait figure de bon élève. En 2021, il rend à Bercy 75 millions de son budget. En 2020, c’est 600 millions. En 2018, c’était 200 millions qui étaient rendus, soit l’équivalent de 4200 postes enseignants et de la moitié de la revalorisation promise aux enseignants qui était promise en 2021. Pendant ce temps, les enseignants français sont moins bien payés que leurs collègues de l’OCDE tout en ayant des classes bien plus chargées.
Si l’objectif du gouvernement était de creuser les inégalités entre les élèves et d’aggraver les conditions de travail des personnels, Blanquer peut être fier de lui, c’est mission réussie. Le ministre laisse, après cinq années d’exercice, une école d’autant plus dégradée que sa gestion de la crise sanitaire a été lamentable : multiplication des protocoles illisibles, obstination irresponsable à ne pas fermer les écoles, sous-investissement en masques et en gel… Avec un tel bilan, quid des perspectives ? SUD éducation réaffirme la nécessité de mettre en place un plan d’urgence pour l’éducation qui remette l’intérêt des élèves et des personnels au cœur de la politique éducative et salariale du ministère. Si l’école de Jean-Michel Blanquer a broyé les élèves et les personnels, à l’inverse, nous défendons sans relâche le projet d’une école plus juste et plus égalitaire, pour une société de demain plus juste, et plus égalitaire.


1. https://www.huffingtonpost.fr/2017/05/26/le-ministre-de-leducation-fixe-son-agenda-il-ny-aura-pas-de_a_22111292/
2. http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages 2022/03/02032022Article637817999058176805.aspx
3. D’après les chiffres de la loi de Finances 2022.