FINLANDE : LE LYCÉE DE L’HORREUR
par
Par Patrice Bégnana
Depuis quelques temps, la Finlande est le nouveau modèle de nos supposés réformateurs. L’argument qui revient est que ce pays est en tête des classements internationaux sur les performances scolaires. On vante cet eldorado scolaire où tous les élèves progressent.
Il n’est pas étonnant que ces derniers jours, Xavier Darcos, notre ministre, ait visité la Finlande. On pouvait entendre sur une radio publique d’information continue, dans un reportage accompagnant sa visite, que la dépense publique d’éducation y était égale à celle de la France. Autrement dit, on peut faire mieux à coût égal. Et puis chaque établissement recrute ses propres enseignants qui ne sont pas des fainéants (le mot n’a pas été prononcé, il était sous-entendu) de fonctionnaires.
Toutefois, avant cette ministérielle visite, le modèle finlandais avait été quelque peu écorné. Le 7 novembre 2007, un jeune homme entrait dans son lycée et dans le plus pur style américain, abattait froidement huit personnes, dont l’infirmière et la proviseure avant de se suicider. Les articles parus dans la presse hexagonale précisaient que c’était un cas isolé. Son discours, sa vidéo sur Youtube annonçant les faits, son isolement témoignaient d’un écart avec ce petit paradis scolaire du Nord. L’acte était celui d’un penseur radical. Dans la novlangue journalistique, radical est devenu un terme infamant.
Comment toutefois l’événement a-t-il été possible ? Tout simplement parce que la Finlande est le troisième pays pour la possession d’armes à feu. Le jeune homme venait d’obtenir un permis pour l’arme qui lui a servi à commettre son crime.
Selon notre presse, l’acte était isolé. La preuve : la statistique. Depuis 1999, pouvait-on lire dans le nouvelobs.com, on ne compte que quatre attaques à l’arme blanche dans les établissements scolaires. En 2002, apprend-on de la même source, un jeune homme avait posé une bombe tuant sept personnes dans un supermarché. Ce n’est rien pour ce pays d’un peu plus de 5 millions d’habitants, concluait l’article. Circulez ! la Finlande reste un modèle malgré tout pour notre presse.
Et pourtant, 16 morts pour un peu plus de 5 millions d’habitants en cinq ans reviennent à 192 morts pour un pays comme la France. Est-ce rien ?
On pouvait aussi lire en passant dans le Figaro qu’en Finlande, certains, à l’occasion de l’événement, dénonçaient les failles du système scolaire, le manque de moyens alloués pour prévenir ce genre de drame. Manque de moyens ! Voilà une expression habituellement réservée aux syndicalistes passéistes français mais non aux dynamiques hommes du Nord.
Bref, notre presse a minimisé l’événement comme elle s’enquiert peu des critiques internes à la Finlande. Tout juste un peu d’étonnement que le pays le mieux classé dans les fameux et mystérieux classements internationaux, puisse être la proie d’un type d’événements qu’on imagine plutôt de l’autre côté de l’Atlantique.
Tournons-nous vers la façon dont on rend compte des violences scolaires lorsqu’il s’agit de l’hexagone. La moindre agression dans un établissement des « quartiers » est immédiatement considérée comme le symptôme de la barbarie, quand elle n’est pas attribuée aux différences culturelles insurmontables dont seraient porteurs les « jeunes-de-banlieues ». Si pour les victimes, aucune agression n’est anodine, pourquoi tant de démesure dans le commentaire ?
Que n’avait-on entendu chez nos intellectuels néoconservateurs durant les violences urbaines de novembre 2005 ! Des hordes incultes semblaient surgir des catacombes urbaines pour détruire la civilisation. Que n’entend-on aujourd’hui encore à la moindre émotion populaire !
Les comparaisons avec les systèmes scolaires étrangers sont loin d’être sans intérêt. Mais elles exigent qu’on les replace dans leur contexte et surtout qu’on ne les utilise pas uniquement pour stigmatiser tout ce qui, ici, ne semble pas marcher.
En Finlande justement, dès qu’un élève est en difficulté, des cours de remédiation ou de soutien lui sont immédiatement donnés jusqu’à ce que la difficulté soit résolue. Voilà une idée qui est loin d’être mauvaise. Ce n’est pas celle qui est mise en avant par la presse.
Imaginons par impossible qu’il faille choisir entre la libéralisation de la vente d’armes ou l’augmentation des impôts pour financer le soutien scolaire. Que choisiraient nos libéraux ?