GAGNER

mercredi 15 septembre 2010
par  Sud éducation 66

Par Patrice Bégnana

Le débat relatif aux journées du 7 et du 23 septembre semble s’être cantonné à la question du nombre de manifestants. On a pu entendre que les syndicats et le gouvernement criaient chacun victoire en se jetant au visage les chiffres des manifestants. Il devrait pourtant être clair que l’objectif du combat n’est pas le nombre de manifestants mais le retrait du projet de loi votée en première lecture à l’Assemblée nationale qui recule l’âge légal permettant de prendre sa retraite à 62 ans ou de pouvoir prendre sa retraite sans décote à 67 ans. Pour les salariés qui travailleront plus de 41 ans et demi parce qu’ils ont commencé tôt, c’est manifestement injuste. Et c’est inquiétant, car rien n’interdit de penser que dans quelques années, on passe à 64 et 69 et ainsi de suite. Pour les salariés qui n’auront pas leurs annuités parce qu’ils ont des périodes sans travail ou parce qu’ils ont commencé à travailler tard, c’est les condamner puisque l’espérance de vie en bonne santé est de 63 ans environ.

Depuis les lois Balladur de 1993, toutes les lois ou projets de lois vont dans le même sens : augmenter la durée de cotisations, reculer l’âge réel ou légal de la retraite, diminuer les pensions en appliquant un mode de calcul toujours plus défavorable. La retraite étant un salaire différé, le but est clair : diminuer les salaires et donc les revenus du travail au profit de ceux du capital. Les arguments sur l’allongement de la vie ou sur les déficits que devront payer nos enfants ne sont que l’habillage de cette offensive continue. Quant aux privilèges de la fonction publique ou de certaines professions, ils sont l’habillage “éthique” de ce qui n’est que lutte intéressée.

Après avoir perdu contre Balladur sans avoir lutté, avoir gagné provisoirement en 1995 contre Juppé puis perdu contre Fillon en 2003, le mouvement social se retrouve confronté à un nouveau conflit. Le temps des luttes pour obtenir des acquis sociaux a fait place à un combat pour conserver ceux qui restent.

Gagner, ce sera amener le gouvernement à retirer ce projet de loi avant de pouvoir reprendre le combat pour obtenir de nouveaux acquis sociaux.

Dans une lutte, ce qui compte, c’est le rapport de forces. Or, quelques manifestations par mois accompagnées de grèves ou non, quelques nécessaires qu’elles soient, seront-elles suffisantes pour gagner ? L’expérience des journées de 2003 n’est pas encourageante. En l’absence d’autres perspectives immédiates, y participer est une obligation car renoncer à lutter, c’est accepter la régression sociale. Mais combien de journées faudra-t-il pour que le gouvernement renonce à sa loi ?

Si la grève reconductible ou la grève générale ne se décrètent pas, encore faut-il pour construire l’une ou l’autre les envisager sérieusement, les proposer aux salariés du public comme du privé quelle que soit la taille de leur entreprise, les porter sur la place publique et donc refuser de se glorifier du nombre de manifestants. Seules la grève reconductible ou la grève générale peuvent créer le rapport de forces nécessaire pour l’emporter.

Car, quelques jours de grève témoignent du mécontentement – et c’est déjà quelque chose – mais sont insuffisants pour établir le rapport de force nécessaire pour gagner.