Grève au Lycée Déodat de Séverac : une question de principes ?

vendredi 2 octobre 2015
par  Sud éducation 66

Alain Escoda et Valérie Creixell

Notre Lycée sort à peine du mouvement de grève le plus important de son histoire. Deux semaines de lutte, de solidarité, d’échanges… sans autre victoire que celle, non négligeable à nos yeux, d’avoir prouvé que l’on pouvait encore se battre de façon unitaire pour des idées telles que le respect de la parole donnée ou la qualité du service public éducatif !
Résumé des épisodes précédents… Au printemps 2015, dans un contexte de fortes inquiétudes liées à l’ouverture imminente du Lycée Christian Bourquin à Argelès, les personnels obtiennent la venue à Céret de représentants de notre hiérarchie (DSDEN et Services DRH et Moyens du Rectorat). Interpellé en AG par l’un de nos CPE sur la question du maintien des moyens de Vie Scolaire pour la rentrée 2015, le Secrétaire Général de la DSDEN, relayé par le DASEN lui-même, se montre tout à la fois affirmatif et rassurant : l’évolution du Lycée Déodat de Séverac est au cœur de leurs préoccupations et oui, la TZR qui assure depuis plus de quatre ans le mi-temps de CPE en renfort nécessaire des deux postes de titulaires à temps complet sera maintenue en place… Pourtant, en dépit de cette promesse solennelle faite devant une assemblée d’une quarantaine de personnes, nous apprenons début juillet la perte du mi-temps de CPE !
À l’heure où l’on réintroduit dans les programmes l’idée de « morale », voilà un bel exemple d’intégrité à méditer ! Cette décision nous apparaît d’autant plus injustifiée qu’elle intervient malgré l’augmentation significative du nombre d’élèves en cette rentrée 2015 (notamment dans la section professionnelle), malgré la complexification de la structure pédagogique (de la 3ème PrépaPro au BTS) et qu’elle remet en cause le bon fonctionnement de l’établissement (deux CPE pour 1130 élèves, avec près de 90 internes !).

Toutes les démarches estivales de nos deux CPE et de la direction de Déodat de Séverac sont restées sans réponse… Aussi, dès le premier jour de la rentrée, le service Vie Scolaire du lycée dans son ensemble entamait un mouvement de grève. Un mouvement rejoint, quelques jours plus tard, par une grande majorité des personnels enseignants et administratifs (70% de grévistes).
Le vendredi 4 septembre, une délégation est reçue par le DASEN. Ce dernier prétend que nous avons « mal compris » ses propos, et n’avance comme seule proposition concrète que la possibilité d’affecter au Lycée de Céret, deux jeunes en Service Civique Universel. Pour résumer : un mi-temps de CPE diplômé, formé et qualifié, est équivalent à deux contrats précaires, sans formation initiale, rémunérés 400 euros par mois pour 30 heures hebdomadaires de travail, et qui statutairement ne peuvent ni encadrer des mineurs, ni exercer de missions de surveillance dans les établissements ! C.Q.F.D. !
L’enthousiasme des personnels face à cette proposition se manifeste aussitôt par le vote en AG de la grève reconductible ! Le mouvement s’organise spontanément en intersyndicale FO, Sud éduc’, CGT, SNES, et Sud éduc’ appelle aussitôt à la constitution d’une Caisse de Solidarité destinée à indemniser les AED grévistes…

Le mardi 8 septembre, une vingtaine de personnels se rend au Rectorat pour obtenir une audience de Mme Le Recteur. Une délégation est reçue par son Directeur de Cabinet, le tout sous escorte policière.
Aucune solution nouvelle n’est proposée, hormis la possibilité d’affecter au Lycée de Céret… deux jeunes Services Civiques Universels. Encore ! ça en fait quatre ? Non ! Toujours les deux mêmes ! Nos deux CPE sont toutefois invités à « interroger leurs pratiques professionnelles » (sic) dans le cadre de ces nouvelles perspectives… En réponse, la reconduction de la grève est votée à une large majorité !

Le Vendredi 11 septembre, une autre délégation est reçue par Monsieur Pierre Aylagas, Député-Maire d’Argelès. Monsieur Aylagas, fervent défenseur du lycée de Ceret, souhaitant respecter l’équité des moyens sur son territoire, s’engage à transmettre à Madame Le Recteur un courrier défendant la demande des Personnels de Ceret, lors de la venue de celle-ci à Argelès, pour l’inauguration du nouveau Lycée Christian Bourquin.
Ce même vendredi, une autre délégation est reçue une nouvelle fois par Monsieur Le Directeur de Cabinet de Madame Le recteur. Aucune nouveauté. Toujours les deux mêmes propositions, désolantes :
Deux Services Civiques Universels (ça en fait six ?)
Les deux CPE en poste doivent apprendre à réorganiser leur service. Merci pour eux !
Un petit « plus » cette fois : l’administration va diligenter au lycée de Ceret un inspecteur de Vie Scolaire, dans les meilleurs délais, afin d’aider les deux collègues à repenser leur organisation !
Devant la surdité de la hiérarchie, qui a fait de la rigidité de sa position une question de principes (et craint sans doute que la contestation ne gagne du terrain !), le personnel en grève vote le lundi 14 septembre la poursuite du mouvement sous d’autres formes mais, ne souhaitant pas pénaliser les élèves, décide de la reprise des cours.

Une semaine de deuil est décrétée, avec photo tous les jours devant la Vie Scolaire…

Pour conclure (provisoirement !) : c’est inquiétant !
Deux jeunes services civils, sans aucune formation seraient donc en mesure de remplacer un (demi) collègue CPE. Quelle est donc la valeur du concours obtenu et de la formation suivie par nos collègues ?
Les personnels du lycée de Céret semblent être de dangereux terroristes puisqu’il est nécessaire d’envoyer plus de 10 personnes de la Police Nationale au Rectorat, lors de leur venue, pour rencontrer leur supérieur hiérarchique ! C’est pourtant, à ces mêmes personnels, que l’on confie plus de 30 jeunes à chaque heure de cours !
Nous ne pouvons ici que dénoncer fermement la politique d’ouverture d’établissements à moyens constants dans notre Académie. Pour habiller Christian Bourquin (le Collège de Millas) et Christian Bourquin (le Lycée d’Argelès), il aura fallu déshabiller nombre d’établissements qui, eux aussi ont perdu des moyens de Vie Scolaire à la rentrée, comme les Lycées Maillol, Arago, Jean Lurçat, etc…
Mais nous devons aussi dénoncer une politique inconséquente de gestion des ressources humaines qui maintient 1,5 postes de CPE à Léon Blum pour 150 élèves, et ouvre 2,5 postes au Lycée Christian Bourquin pour 650 élèves.

Bref, une question de principes…