GRÈVE D’UN JOUR, GRÈVE...

jeudi 16 juin 2011
par  Sud éducation 66

Par Patrice Bégnana

La grève a toujours été pour les salariés un instrument de lutte dans un rapport de forces instauré par leurs employeurs. Soit ces derniers les empêchent de bénéficier de l’amélioration qu’ils s’octroient pour eux-mêmes, soit ils détériorent leur condition de travail, soit ils baissent leur niveau de vie. Or, telle est bien notre situation de salariés.

Depuis 2002, nos effectifs auront diminué de pratiquement 10% sur la décennie. Comme dans le même temps le nombre d’élèves est resté relativement stable, la hausse des effectifs, et surtout la baisse de l’offre de formations auront été les résultats de cette politique de l’emploi. La France est bonne dernière de l’OCDE pour l’encadrement des élèves selon une note du Centre d’analyse stratégique (CAS), un organisme rattaché à Matignon(1). Dans le même temps la défiscalisation d’une partie des cours particuliers indique la volonté politique de redistribution de la richesse nationale des plus démunis vers les plus aisés. Nos conditions matérielles et morales de travail ont été systématiquement et volontairement détériorées par nos employeurs.

Depuis 2002, le point d’indice et donc nos salaires de base auront connu une baisse d’environ 10%. La défiscalisation des heures supplémentaires dans le second degré, des mesures d’intégration dans le corps des professeurs des écoles et bien sûr les changements d’échelon masquent cette baisse. Elle donne un argument digne de la novlangue du 1984 de Georges Orwell au gouvernement qui explique, relayé par la coterie des éditorialistes grassement rémunérés, qu’il augmente le pouvoir d’achat en gelant les salaires.

Surtout, il ne faut pas faire remarquer que dans le même temps, les salaires de ministres et du chef de l’État ont été modestement revalorisés, les bas salaires des patrons du CAC 40 n’ont augmenté en moyenne que de 24 % en un an ou que les recteurs se sont vu promettre une prime pouvant aller jusqu’à 22 000 € pour leur zèle à supprimer des postes : ce serait du populisme.

Nos employeurs ont donc volontairement baissé notre niveau de vie tout en améliorant le sort de leur caste.

Depuis 2003, notre temps de travail a été augmenté de quatre ans et demi et notre âge minimum de départ à la retraite a été repoussé de deux ans.

Bref, nos employeurs nous ont donné toutes les raisons d’user de notre droit de grève.
Le 31 mai dernier, les fédérations de fonctionnaires ont appelé à une journée d’action. Elles ont inscrit selon leur propre novlangue une journée dans le paysage. Résultat : … néant.

Pire : la presse annonçait avant la journée d’action que les organisations syndicales elles-mêmes s’attendaient à ce qu’elle soit peu suivie. Même lorsqu’elles sont « réussies », elles ne produisent aucun effet sur l’action de nos employeurs. Depuis 2002, combien de journées de salaires perdues pour rien ?

Pourquoi alors y appeler ?

Il est vrai qu’il faut bien commencer la lutte. La plupart des organisations syndicales françaises refusant d’appeler clairement à la grève reconductible en cas de conflits, force est de tenter de convaincre les salariés lors des moments où ils sont en lutte. Mais il ne peut être question d’en rester là.

Certes, il y a des grèves de témoignages ou de protestation qui n’ont d’autres buts que de manifester le refus d’une situation qui ne peut être changée ou qui interpelle. Telles sont par exemple les grèves déclenchées par des faits graves d’insécurité.

Mais la grève est un instrument de lutte. Et la lutte a pour sens de gagner.

Que faire ? Renoncer à y participer serait un aveu d’impuissance. Participer pour pouvoir dire « j’y étais » n’a aucun sens.

C’est pourquoi SUD Éducation 66 n’appelle et n’appellera à la participation aux grèves d’un jour que s’il y a un mince espoir d’une poursuite du mouvement afin de gagner.

(1) Voir par exemple l’article sur le site du Monde : http://www.lemonde.fr/education/article/2011/02/14/la-france-derniere-de-l-ocde-pour-l-encadrement-des-eleves_1480128_1473685.html