L’école d’hier pour demain ?

vendredi 12 décembre 2014
par  Sud éducation 66

Le principal enseignement des élections professionnelles dans l’Éducation nationale est la progression des syndicats réactionnaires et passéistes (FO, SNALC). Certes, l’abstention toujours aussi forte depuis le passage au vote électronique avec ses difficultés, rend difficile une interprétation des aspirations du plus grand nombre. Il n’en reste pas moins vrai que les collègues que séduit un certain discours sont, de fait, plus nombreux.
Ce discours réactionnaire projette l’image d’une école du passé idéalisée : des professeurs respectés dont l’autorité jamais n’était contestée, des élèves sages et obéissants, justement sélectionnés en fonction de leur seul mérite, une hiérarchie à l’écoute. Et puis, les saints décrets de 1950 protégeant chacun dans son corps d’origine !
À ce tableau s’oppose l’école actuelle, celle de la massification. Le ministère aide à cette nostalgie. Pour occuper une profession qui souffre du gel, c’est-à-dire de la baisse des salaires, et de conditions de travail qui rendent souvent les missions impossibles, des “réformes” ineptes, dangereuses et destructrices sont lancées. Inepte la “réforme” des rythmes scolaires qui désorganise les rythmes des enfants, des enseignants et des parents tout en renforçant pour les uns et les autres les inégalités territoriales. Dangereuse la réforme des statuts qui introduit le travail sans limites tout en maintenant la hiérarchie des corps à la place de les unifier par le haut. Destructrice les annonces sur la notation bienveillante car remplacer les notes par des couleurs ou des lettres, ce n’est pas supprimer les discriminations, c’est mieux les masquer pour le grand nombre ; c’est assurer pour l’élite sa place.
Face à cette promesse de justice répétée et toujours trahie, les réactionnaires ont pour eux un discours simpliste : ne rien changer ou revenir demain à ce qui hier existait. Ils veulent revenir aux anciens rythmes, mais lesquels ? Les 30 heures hebdomadaires des années 1950 réparties sur cinq jours avec une pause le jeudi pour les enfants ? Ils se gardent de rappeler que l’orientation précoce après l’école primaire interdisait au grand nombre le lycée réservé à une petite minorité. Veulent-ils qu’on ne délivre le baccalauréat qu’à 33 145 élèves comme en 1950 (soit, 5,9% des garçons et 4,4% des filles de la classe d’âge) ? Veulent-ils revenir à cette multiplicité des corps, PEGC, adjoint d’enseignement, PLP1 et PLP2, certifié, agrégé et pourquoi pas aux salles des professeurs différenciées en fonction des corps ?
Tel n’est pas le sens de notre opposition à toutes les prétendues réformes des derniers gouvernements. Ils agitent le fait des inégalités pour, prétendant les réduire, les conserver, les aménager, les masquer, les figer. Avec leurs adversaires réactionnaires, c’est le même projet d’une école de la domination sociale chargée de préparer des individus tout juste capable d’être employables, de consommer et de vibrer aux rythmes de la communication publicitaire ou politique – ce qui revient au même.
Notre projet pour l’école, notre projet pour la société est tout autre. Il est celui de l’émancipation. Si l’école doit se transformer, c’est pour permettre à tous d’accéder à la culture, c’est-à-dire à la formation à la liberté par une compréhension véritable des savoirs dans leur diversité. Et une telle école ne peut souffrir la hiérarchie, quelle qu’elle soit.

Patrice Bégnana