L’ÉCOLE, L’ARMÉE FRANÇAISE ET LA PAIX...

mardi 11 décembre 2007
par  Sud éducation 66

Par Marc Anglaret

En novembre dernier, les directeurs d’écoles primaires de toute la France ont été incités par leur hiérarchie, après accord de notre ministre Xavier Darcos, à participer à une action organisée par une association de militaires, « Solidarité-Défense », présidée par l’Amiral Lanxade(1). Cette action avait pour but de faire faire aux enfants des dessins qui seront envoyés aux « 13 000 militaires français actuellement engagés dans le monde pour la restauration ou le maintien de la paix », selon la formule de l’Inspection Académique des Pyrénées-Orientales. Sud Éducation 66 proteste vigoureusement contre cette tentative d’instrumentalisation des élèves des écoles primaires, et par là de l’institution scolaire elle-même.

Nous opposons deux arguments principaux à cette « action » : le premier relève de l’idée que nous nous faisons de la nécessaire neutralité idéologique de l’école, notamment de l’école primaire ; le second concerne plus précisément l’action de l’armée française à l’étranger.

1) Il n’est évidemment pas anodin que cette action ait été proposée aux élèves d’école primaire uniquement, et non à ceux des collèges et lycées : ces derniers sont davantage susceptibles d’être réticents, sinon franchement opposés à l’idée apporter un soutien, fut-il sous forme de dessins, à l’armée. Si l’association « Solidarité-Défense » n’a pas pris le risque de susciter de la part des collégiens et lycéens des réactions hostiles, n’est-ce pas parce qu’elle sait que son projet est sujet à controverse ?

Un enfant de moins de douze ans n’a pas la maturité ni les connaissances nécessaires pour savoir ce qu’il doit penser des militaires en général et des militaires français en particulier. Si son instituteur demande à un enfant d’école primaire de faire un dessin pour un militaire, il le fera, quitte éventuellement à le regretter des années plus tard… Sur ce point, il nous semble important de nous opposer à toute instrumentalisation « idéologique » des enfants, pour quelque cause que ce soit, ou du moins pour toute cause dont on peut supposer qu’elle pourrait ne pas être celle des adultes qu’ils seront. Un enfant de l’école primaire n’est manifestement pas plus en mesure de comprendre réellement tous les aspects du militarisme explicite de l’action que nous dénonçons ici que ceux d’un antimilitarisme même animé des meilleures intentions.

2) Il se trouve par ailleurs que l’armée française peut légitimement être l’objet de certaines interrogations au sujet de sa vocation pacificatrice. Peut-on vraiment dire, comme l’écrit l’Inspection Académique des Pyrénées-Orientales, que les « 13 000 militaires français actuellement engagés dans le monde » le sont « pour la restauration ou le maintien de la paix » ? Un exemple d’actualité au moins permet d’en douter : celui du soutien de l’armée française au gouvernement tchadien, qui n’est pas précisément réputé pour son caractère démocratique ni son respect des droits de l’homme. En 2006, l’aviation française a reconnu elle-même avoir tiré, à la demande du président dictateur Idriss Déby, sur des positions contrôlées par des rebelles au régime.

Précisons enfin que dans sa fiche explicative, l’association « Solidarité-Défense » précise que le but de l’opération est d’« offrir aux soldats en OPEX [opération extérieure], loin de leur famille, à l’occasion de Noël et Jour de l’An un dessin exprimant la paix et l’amour, la joie »… Cynisme ou candeur ?


(1) L’Amiral Lanxade a notamment été le chef d’état-major particulier du président Mitterrand durant le génocide rwandais.