La refondation de l’école

vendredi 14 décembre 2012
par  Sud éducation 66

La phase de concertation, ouverte à toutes sortes de contributions, s’est achevée avec la remise du rapport et le discours de F. Hollande (mardi 9 octobre 2012). Le processus gouvernemental de préparation de la loi d’orientation est entré dans le temps de la consultation des organisations syndicales représentatives. Les 16 et 17 octobre, le ministère leur a exposé ses intentions. Le 18, il a présenté son projet de dispositif transitoire pour les concours supplémentaires de l’année prochaine. SUD éducation propose une présentation commentée des principales annonces. Il est pour nous clair que sans la mobilisation des personnels, il n’y aura pas de véritable alternative, pour les politiques éducatives comme pour le reste.

Le ministère ne prévoit pas d’abroger la convention entre le MEDEF et l’Éducation nationale, signée par les ministres de droite. Ainsi, le syndicat patronal va pouvoir continuer à intervenir dans les établissements scolaires, en tant que « partenaire éducatif ». V. Peillon a même fait à la presse des déclarations particulièrement révélatrices :

« Je veux que l’on puisse ajuster les préoccupations des entreprises et les nôtres pour donner la meilleure formation possible et la plus utile aux jeunes ». « L’Éducation nationale est capable de changer le contenu de ses diplômes et de ses formations pour répondre rapidement aux besoins de l’économie et des entreprises ; elle est mobile. La co-éducation, c’est aussi cela ». « Pour réussir l’orientation, il faut non seulement que l’Éducation nationale assume sa part de responsabilité, mais aussi que les entreprises se mobilisent davantage ». « Il faudrait que les entreprises fassent mieux connaître leurs métiers dans les classes afin que les jeunes soient mieux informés des débouchés. Il faut aussi que les enseignants aient, au cours de leur formation, un contact avec le monde de l’entreprise ». « Il faut faire découvrir l’entreprise et les métiers dès la sixième et cela jusqu’à l’université ».

V. Peillon reprend ainsi à son compte le crédo néolibéral de ses prédécesseurs qui n’ont eu de cesse de chercher à soumettre l’école au monde de l’entreprise. Cela a conduit à des attaques incessantes contre le service public d’éducation et ses personnels : mise en place du socle commun, du livret personnel de compétences, suppression d’une année de formation dans l’enseignement professionnel, Loi sur l’Orientation et la Formation Professionnelle Tout au Long de la Vie, normes managériales imposées aux personnels...
L’essentiel de cette orientation se trouve confirmée dans les projets pour l’école du Ministère. Mais éduquer ce n’est pas conforter les hiérarchies sociales, ce n’est pas tout subordonner à l’employabilité future des élèves et des étudiant-es. Les valeurs portées par SUD éducation sont à l’opposé de celles de l’école capitaliste où le culte des évaluations, les indicateurs, le management, le mérite, l’individualisme priment sur l’éducatif.
Nous estimons bien au contraire qu’il faut promouvoir les pratiques et valeurs coopératives d’entraide, entre collègues et entre élèves pour construire ensemble une autre école dans une autre société, égalitaire et émancipatrice. Nous disons à M. Peillon qu’appeler les entreprises à prendre plus de place encore dans l’école, c’est at-taquer le service public d’éducation. Nous refusons et refuserons toujours de traiter les élèves et les étudiant-es comme de la chair à patron.
Pour SUD éducation, résolument, l’École n’est pas une entreprise, l’Éducation n’est pas une marchandise.

Le dispositif ECLAIR serait abandonné. Le ministère entend sortir du zonage, en finir avec les labellisations pour éviter les effets de stigmatisation, et attribuer des moyens supplémentaires de manière graduée selon des critères progressifs. Il souhaite que les dotations aux établissements soient désormais pluriannuelles. Il entend stabiliser les équipes, et prévoit d’attribuer des décharges horaires de services pour des services au sein de l’éducation prioritaire plutôt que des primes ou des indemnités.

L’abandon du dispositif ECLAIR correspond à une revendication de SUD éducation. Les dotations pluriannuelles doivent permettre d’éviter le yoyo et des politiques absurdes qu’on a connu ces dernières années, où les moyens étaient retirés à des établissements parce que ces moyens supplémentaires avaient permis d’améliorer les résultats !
Les décharges de service sont également une manière positive de compenser partiellement les difficultés des conditions de travail, mais le projet reste assez flou, et il se heurtera aux limites budgétaires. C’est d’ailleurs la principale inquiétude liée à la fin des labels : si elle permet d’éviter les effets de seuil et les stratégies de labellisation ou de déni, on peut aussi craindre que ces intentions n’aboutissent en fait à la suppression d’une politique d’éducation prioritaire. Si le ministère affirme qu’il n’y aura pas de baisse des moyens, il n’annonce pas non plus une augmentation de ceux-ci. On risque alors d’aboutir à un saupoudrage, ne permettant pas de donner plus à ceux et celles qui en ont le plus besoin.

L’idée d’un socle commun est conservée. Rebaptisé « socle commun de compétences, connaissances et culture », une redéfinition du socle sera opérée, en lien avec les changements à venir sur les programmes et les évaluations. Le gouvernement affirme que l’approche par les compétences est positive, parce qu’elle crée l’obligation de penser ensemble les disciplines, les enseignements et les élèves.

La double contrainte des compétences et des programmes pensés indépendamment l’un de l’autre menait à des absurdités pédagogiques et à une augmentation de la charge de travail des enseignant-es. L’annonce d’une harmonisation compétences/programmes/évaluation est une rationalisation du système qui vise à la légitimer aux yeux des personnels. Car au delà d’une nouvelle désignation (qui vise à éviter l’effet « SMIC scolaire » et une vision minimale de l’éducation), la transformation en profondeur de l’école par l’évaluation des compétences est validée et poursuivie, suivant les desiderata du patronat et de l’Union Européenne.

Les missions de la maternelle apparaîtront dans la loi d’orientation de janvier 2013 : Redevenir une école particulière avec ses propres méthodes et des enseignants formés à ses spécificités. La grande section sera intégrée dans le cycle 1. Le gouvernement annonce sa volonté de scolariser davantage d’enfants de moins de trois ans, dans les zones prioritaires à la rentrée 2013 et partout ailleurs à la rentrée 2014. Une formation spécifique des enseignant-es pour l’accueil des plus jeunes sera remise en place.

Alors que les craintes d’une destruction de la maternelle étaient grandes, la réaffirmation de son inscription dans le service public d’éducation est à relever positivement. Dans le même sens, l’intégration des grandes sections dans le cycle 1 va dans le sens de la reconnaissance de la spécificité de la maternelle, contre les logiques de prima-risation que nous combattons.
En ce qui concerne les deux ans, le projet gouvernemental reste flou : SUD éducation revendique le droit à la scolarité pour tous les enfants de deux ans dans des conditions adaptées, et la création d’un service public de la petite enfance.

Le communiqué est à consulter et à télécharger dans son intégralité sur notre site internet (29 points y sont développés).