LA RÉPRESSION EST UNE PARTIE DE LA NORMALITÉ DE CE MONDE - JUSTICE POUR YANN ET PIERRE !

mercredi 12 mars 2008
par  Sud éducation 66

Par Francis Maury

La contestation et la grève demeurent aujourd’hui encore des moyens de lutte reconnus et légaux, même si certains désireraient les voir privés de tout contenu, sinon totalement abolis…

La lutte contre la LRU et les divers mouvements d’occupation, un peu partout dans l’hexagone, et notamment à Perpignan, ont montré une grande détermination et une grande maturité.

Les adversaires de cette lutte, et ils sont nombreux, ont montré tout au long du conflit le peu de cas qu’ils font d’une simple attitude « démocratique », eux qui ne se privent jamais de parler au nom de cette même « démocratie »…Une importante partie de la communauté « universitaire », sur Perpignan notamment, a joué le pourrissement du conflit quasiment dès son origine… Malgré les votes successifs et majoritaires en faveur du blocage de la fac, les manœuvres n’ont jamais cessé, manœuvres qui tendaient à discréditer le mouvement et ses militants les plus en vue ! Les responsables de l’Université ne reculèrent devant rien allant même jusqu’à entretenir un climat d’affrontement au besoin en permettant aux anti-grévistes de disposer, tout au long du conflit, d’un amphi – l’Amphi 3 – situé à quelques mètres de l’Amphi 4, tenu par les grévistes…

Aujourd’hui le président de l’U.P.V.D. et une partie des enseignants opposés au mouvement de grève, ont assigné en « justice » deux camarades étudiants, militants de la Coordination des Groupes Anarchistes, du syndicat SUD Etudiant, et pour l’un d’entre eux de l’organisation Maulets, aux fallacieux motifs de « dégradations ; vol ; menaces de mort… ». Ce sont ces mêmes enseignants qui se sont illustrés, sans ambiguïté aucune, par des attitudes provocatrices voire violentes. Des attitudes manquant totalement de « mesure » d’autant qu’elles émanaient d’individus ayant la tâche d’instruire, de guider, d’encadrer, d’aider mais jamais, au grand jamais, d’insulter, de provoquer, de frapper, etc…

Sur la base des plaintes déposées par les instances de l’Université et par ces enseignants, mercredi 19 décembre au petit matin Yann et Pierre, ont été arrêtés à leur domicile. La police a procédé à une perquisition à leur domicile et à la saisie de leurs ordinateurs. Nos deux camarades font les frais de la volonté du pouvoir de discréditer et criminaliser partout la lutte contre la LRU qui agite les universités depuis le mois d’octobre. A l’issue d’une garde à vue de 48 heures, auxquelles il faut ajouter 7 heures d’enfermement au tribunal, aucune des charges initiales n’a été retenue contre eux. Des plaintes nominatives d’outrages ont été déposées par des enseignants à l’encontre de Pierre et Yann. Uniquement à partir de ces accusations, ils sont placés sous contrôle judiciaire :
- il leur est interdit de sortir des limites territoriales : le département des Pyrénées-Orientales, - il leur est interdit de se rendre à l’Université de Perpignan, sur le campus universitaire, au restaurant universitaire,
- ils doivent s’abstenir de tout contact entre eux, mais aussi avec l’ensemble du personnel de l’Université…

Alors qu’il y a présomption d’innocence, ce type de contrôle tend à accréditer la thèse inepte que Yann et Pierre sont de dangereux individus, et qu’ils sont coupables avant même d’avoir été jugés ! Pierre et Yann n’ont reconnu aucun des actes, aucune des déclarations, aucune des charges qui leur étaient imputés !

Un des effets de ces mesures iniques revient à interdire à nos camarades d’aller à la fac et donc de poursuivre leurs études. C’est démentiel dès lors que les « plaignants » déclaraient n’agir qu’en vertu de la seule « liberté pour tous de suivre les cours… » Nous dénonçons ces pratiques qui font encore monter d’un cran la répression sur les mouvements étudiants. Nous dénonçons ces mesures d’acharnement qui ont pour but de les faire rentrer dans le rang.
- Nous réclamons l’annulation du contrôle judiciaire infondé auquel Yann et Pierre sont soumis.
- Nous dénonçons par avance toute tentation de monter artificiellement des poursuites contre eux.
- Nous réclamons l’arrêt de la procédure à l’encontre de Pierre et Yann
- Nous appelons l’ensemble des acteurs des luttes étudiantes et plus largement du mouvement social à se solidariser et à réagir à ces tentatives de criminalisation des luttes.

Le 4 mars Yann et Pierre, passaient devant le juge d’instruction pour être entendus.

Quelques pistes de réflexion inspirées des trop nombreuses mises en examen qui caractérisent la judiciarisation des acteurs de mouvements sociaux.

La répression est une partie de la normalité de ce monde. Elle est le lot ordinaire de tout mouvement social ; on entend si souvent ainsi les proches d’un inculpé : « C’est ahurissant, on n’a jamais vu une telle intensité de répression ! » ; on explique comme on peut : « La spécificité du cas, du contexte, de la personnalité, etc… »

Que le code pénal soit partie de l’arsenal des dominants, n’en doutons plus !

Qu’au motif de maintien de l’ordre public, les libertés de manifestation, d’expression de la colère et même de justes réponses à certaines provocations policières ou politiques soient bafouées, nous le constatons souvent !

La répression ne se limite pas à la matraque ; ces procédures judiciaires incessantes et répétées contre des manifestants, des syndicalistes, des militants assignent petit à petit à résidence la notion même de liberté d’expression ; notre capacité de rébellion s’en trouve complètement marginalisée, anormalisée, répréhensible ! Dispositifs psychologiques et matériels prépondérants nous contraignent au quotidien.

Les révoltes individuelles ou collectives s’inscriront toujours dans la continuité des luttes ; des riches plus riches et des pauvres plus pauvres, un pouvoir d’achat en récession, des franchises médicales, des frais d’inscriptions universitaires en hausse (et en constante augmentation), un code du travail de moins en moins protecteur… Les « laissés pour compte » sont de plus en plus nombreux.
Lutter pour conserver ou améliorer les acquis sociaux n’est pas un combat ancien ou ‘périmé’ ; ces droits sont très récents et la manipulation principale d’un libéralisme décomplexé est d’essayer de les faire ressentir comme démodés, dépassés, obsolètes…
Lutter pour s’opposer à la mise en place de mécanismes politiques et sociaux iniques n’est pas un combat ancien ou « périmé » ; d’autant plus quand les notions de consultations et négociations préalables sont dénuées de toute sincérité.

Pierre et Yann en sont des victimes actuelles. Les soutenir, c’est soutenir le combat qu’ils mènent, que d’autres mènent encore ou mèneront bientôt.

Pierre et Yann sont surtout les victimes de l’isolement d’une lutte qui aurait pourtant du fédérer bien au-delà des seuls étudiants.