Karine Abauzit

Les tournées d’établissements sont essentielles à plusieurs titres. Tout d’abord on en apprend beaucoup sur comment la réduction des moyens dégrade concrètement le quotidien. Ensuite ce sont des liens humains et personnels qui se tissent et ouvrent des perspectives pour rompre l’isolement et éventuellement mener des luttes futures.
À titre d’exemple, prenons deux cas de tournées d’établissements menées récemment dans l’Aude.
Le premier est celui où, après un coup de téléphone à un directeur d’école maternelle et sur son invitation, un temps a été passé avec les professeurs des écoles sur leur pause déjeuner. Quel ébahissement de voir que pendant le temps de leur pause déjeuner, qui devrait être une véritable pause, les professeurs menaient, tout en mangeant, plusieurs tâches : des tâches techniques (réparer l’imprimante qui dysfonctionne), des tâches administratives (remplir un tableau sur le pourcentage de présence hebdomadaire d’élèves dans le but d’éviter la fermeture d’une classe, tenir un œil sur la messagerie et voir qu’un élève en situation de handicap non notifiée va pouvoir bénéficier d’un diagnostic), répondre à la personne qui fait l’entretien des locaux qui profite de la pause pour donner une information, réfléchir sur des problèmes avec une AVS qui, non formée et précarisée, perturbe le déroulement des séances pédagogiques.
Le second cas est celui du collège où je me suis installée dans la salle des professeurs juste avant la récréation de 10 heures, et ce jusqu’à 11h30, car il y a toujours des collègues qui y sont et avec qui on peut parler. À partir du prétexte de venir donner de l’info syndicale, il est possible d’évoquer le quotidien dans l’établissement où l’on vient et de poser des questions sur ce qu’ils et elles vivent dans leur collège tout neuf. Ce qui en est ressorti, c’est surtout que dans ce collège qui vient d’être reconstruit, les toilettes sont pas doublées. Lorsque tu as besoin d’aller aux toilettes tu dois faire la queue, car il n’y en a qu’une pour environ 70 enseignant·e·s et je ne sais combien de personnels de vie scolaire et administratif. Une autre toilette a bien été conçue mais il faut traverser le collège pour y aller et là, le problème est le même, il faut attendre.
Manger, faire ses besoins… Jusque dans nos besoins vitaux la baisse des moyens nous humilie. Comment ne sommes-nous pas en train de nous insurger ? Quand retrouverons-nous le chemin de la lutte pour notre dignité ?
Faire la tournée des établissements est un bon moyen de prendre la mesure des humiliations quotidiennes auxquelles nous sommes tout·e·s confronté·e·s. Combattre ces humiliations commence nécessairement par recréer des liens entre nous. Aussi faut-il remettre les tournées d’établissement au cœur de nos actions syndicales pour permettre aux collègues de s’en saisir.