LSU et CPA : fichage des élèves, fichage des travailleurs…
par
Laurence Vidal
Fini le droit à l’erreur et à l’oubli ! Les élèves auront, dès le plus jeune âge, un casier scolaire : le Livret Scolaire Unique (LSU), c’est-à-dire la version numérique du livret scolaire. Jusqu’alors il s’agissait d’un dossier papier qui accompagnait l’élève tout au long de sa scolarité.
Comment ce dossier pourrait-il rester confidentiel dès lors qu’il est numérisé ?
Selon le ministère, le LSU permettrait de simplifier le suivi des élèves en l’uniformisant sur l’ensemble du territoire pour le rendre plus lisible et accessible aux familles... Or, la multitude d’items, de compétences et de sous-compétences à évaluer rend la lisibilité difficile pour les familles et génère une surcharge de travail pour les profs (opération de saisie fastidieuse). Ce n’est pas en cochant des cases que l’école remplira sa mission ! Sans compter qu’on oblige les profs à utiliser cet outil sans qu’ils puissent en questionner le sens et l’usage. Il va de soi que les familles qui n’ont pas accès au numérique (les plus pauvres) seront, une fois de plus, pénalisées...
Notons que le LSU contient les différents parcours et notamment celui des élèves en difficulté (PAP, PPRE, suivi RASED, etc) ou à besoins particuliers (Ulis, UPE2A, …).
Il s’agit clairement d’une volonté d’instrumentaliser l’école pour formater les élèves selon des critères d’employabilité et de traçabilité définis par le patronat.
Ces données pourront être diffusées, partagées et utilisées par différents utilisateurs grâce au R.N.E. (répertoire national des établissements), dans lequel figurent des données personnelles sur l’enfant et sa famille (voir article 48 de la loi sur les droits des étrangers en France qui permet aux préfectures d’accéder aux informations détenues par les établissements scolaires). Elles pourraient être facilement reliées au CPA (compte personnel d’activité), qui est d’abord un incroyable fichage, le fichier des fichiers : il rassemble un compte de retraite, un compte pénibilité, un compte assurance-maladie, un compte famille, un compte accident du travail, un compte chômage, un compte épargne-temps, un compte épargne salariale, un compte d’activités non marchandes et un compte personnel de formation qui contient un autre fichier, un CV électronique : le « passeport d’orientation, de formation et de compétences »... Ce dernier fait déjà l’objet d’un traitement automatisé de données personnelles (décret n°2014-1717 du 30 décembre 2014 et n°2015-1224 du 2 octobre 2015) tellement nombreuses (83 champs de données pour la seule formation) que sa mise en route prévue en 2015 a été repoussée d’un an.
Il s’agit de la mise en fiche de tous les salariés et à terme, de tous les actifs. Un véritable « livret ouvrier numérique » dont le caractère personnel du droit de consultation et son respect devraient être assurés. Mais ce respect ne peut pas être assuré car il n’existe aucune sécurisation sérieuse des données sur internet. Et moins encore avec le CPA qui prévoit l’interconnexion de très nombreux fichiers par le numéro de sécurité sociale.
Le MEDEF s’est félicité du LSU lors du Conseil Supérieur de l’Éducation du 15 octobre 2015, déclarant qu’il « voterait pour car il permettrait d’améliorer la traçabilité des élèves qui sortent du système scolaire »…
Il convient d’informer les élèves et leurs responsables légaux de tout traitement informatisé de données les concernant ainsi que de leur droit d’accès et de rectification de ces données, en leur communiquant un courrier par exemple par l’intermédiaire du carnet de liaison. Pour le LSU, un courrier type est à notre disposition_ :
http://cache.media.education.gouv.fr/file/ecole/39/4/Info_responsables_legaux_LSU_1D_672394.pdf
NB : Les CHSCT sont compétents pour prononcer un avis négatif sur ce projet…
Ficher ou figer un individu, c’est nier son humanité. Dévoiler sa vie privée, c’est le priver d’individualité…