Demandez le programme !

mercredi 7 décembre 2016
par  Sud éducation 66

Patrice Bégnana

L’élection présidentielle approche. Le programme du vainqueur de la compétition pour la candidature à l’élection présidentielle de la droite et du centre mérite le détour.

L’essentiel tient à la volonté de réduire l’emploi public. Supprimer au moins 500 000 postes de fonctionnaires en ne remplaçant pas les départs à la retraite, c’est réduire de façon drastique les recrutements. On peut imaginer des années sans concours dans telle ou telle discipline ou bien dans telle ou telle région dans le premier degré.

La volonté d’augmenter le temps de travail des fonctionnaires touche les professeurs du premier ou du second degré dont le temps de travail pour certains hommes politiques se réduit aux heures de cours. Le programme du candidat se présente sous la formule assez vague d’augmenter le temps de présence dans les établissements. Ce qui annule les supposées améliorations de salaires promises dont le montant ne compensera certainement pas l’augmentation du temps de travail. Rappelons que depuis 1950, le temps de travail des professeurs est le même pendant qu’il diminuait, heureusement, pour d’autres catégories.

Pour réduire le nombre de professeurs, il y a une solution simple : diminuer dans le second degré le nombre d’heures de cours, notamment au lycée. Pour l’école primaire et le collège l’opération a déjà été menée par l’actuelle majorité. Le vague projet de réduction des épreuves du baccalauréat à quelques disciplines dites fondamentales qui est apparu ici ou là fixe un tel objectif.
Le programme veut revenir aux fondamentaux à l’école primaire, c’est-à-dire que soient consacrés les trois quarts du temps à l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, du calcul, des grands personnages et des grandes dates de l’histoire de France. Concernant ce dernier point, on voit là la volonté de transformer l’histoire, terme qui vient du grec qui signifie originellement enquête, et qui implique le recul critique, en une mythologie appelée roman national. La nouvelle école se voit ainsi confiée la mission de formater les esprits. On imagine la place des massacres d’ouvriers de juin 1848 ou de la Commune de Paris dans ce “roman national”.

Comment résoudre les problèmes d’effectifs de professeurs ? Orienter vers l’apprentissage est un excellent moyen. Il suffit de faire se succéder des classes devant le même professeur entre deux périodes d’apprentissage. On sait qu’en Allemagne, l’orientation vers l’apprentissage a lieu après les quatre années d’école primaire. Avec la baisse démographique, c’est un des éléments d’explication du fait que l’Allemagne dépense moins pour l’éducation – avec des professeurs qui gagnent plus (1700 € de plus pour un enseignant allemand au bout de 15 ans de carrière qu’un enseignant français du premier degré pour moins d’heures d’enseignement dans l’année). Aussi l’idée de prévoir trois semaines au collège de découverte des métiers et des voies de l’apprentissage s’inscrit dans la perspective d’un développement de l’apprentissage.

Et bien entendu, l’antienne de la décentralisation revient. Confier aux régions l’enseignement professionnel, prévoir même des diplômes régionaux, voilà un excellent moyen de se débarrasser de plus de 60 000 postes de PLP. Bien évidemment, cette prétendue adaptation aux situations locales consiste à livrer la jeunesse des classes populaires à la précarité. Un diplôme qui n’aura de valeur que locale n’en aura aucune. Et l’on se doute bien que le but est le retour au lycée bourgeois réservé aux enfants des hautes classes avec un faible pourcentage d’élèves méritants. En effet, le but de ce programme est de lutter contre l’égalitarisme, c’est-à-dire de violer le deuxième principe de la devise républicaine.

Et comme un programme antisocial ne peut que susciter des résistances, les moyens de les briser sont proposés. Faire des directeurs d’école de véritables chefs chargés de la promotion des professeurs des écoles. Donner le pouvoir aux chefs d’établissement de recruter, c’est-à-dire transformer le mouvement en un vaste marché de l’éducation. La possibilité pour le chef d’établissement de renvoyer les professeurs qu’il estimerait déficients n’est pas annoncée. Par contre, est prévu un système automatique d’accompagnement des enseignants en difficulté. Qui détermine quels sont les enseignants en difficulté ? Quant à l’autonomie des horaires et de l’utilisation des moyens, elle renvoie à la volonté de détruire tout caractère commun à l’éducation. On ne doute pas que la mise en œuvre de cette autonomie permettra de renforcer l’inégalité rebaptisée du nom de mérite.

La volonté d’associer les parents est en elle-même louable. Les tâches qui leur sont assignées le sont moins. Ils devront donner leur avis sur l’organisation de la scolarité, sur les recrutements de professeurs. Sachant que peu de parents sont investis, n’est-ce pas donner à quelques initiés un pouvoir mis au service de leurs enfants contre les autres ? D’ailleurs, les autres, il est prévu de s’en occuper. Pour ceux notamment qui ne parlent pas le français, il faudra surtout leur expliquer les exigences de l’école. C’est bien connu, seule la connaissance du français permet de connaître les exigences de l’école. On n’ose pas imaginer dans quelle langue parlent les parents ainsi désignés !

La mise en œuvre d’un programme dans l’éducation n’est possible qu’avec l’adhésion des personnels. Nul doute qu’il faudra une lutte acharnée pour l’empêcher, dans l’hypothèse où c’est bien ce programme qui l’emporterait en mai et juin 2017.