« PRENDS LE POUVOIR ! NOTE TES PROFS ! »

mercredi 12 mars 2008
par  Sud éducation 66

Par Francis Maury

Non, ce n’est pas le titre d’un nouveau jeu vidéo en ligne !

Créé le 30 janvier, « note2be.com » est un site Internet permettant de noter les enseignants ; suite de la préconisation du rapport Attali sur l’évaluation des fonctionnaires par les usagers, c’est du moins un argument avancé par Stéphane Cola, un chef d’entreprise de 36 ans. Celui-ci figurait sur la liste UMP aux municipales conduites par Pierre Lellouche, dont il était aussi le directeur de campagne, dans le VIIIème arrondissement de Paris, avant de démissionner le 14 février devant le tollé déclenché par son site.

Des enseignants cités sur le site ont même créé, en signe de protestation, un blog de « résistance », intitulé « contrenote2be.com ».
L’intégralité des syndicats d’enseignants a dénoncé ce site qui cite prénom et nom des enseignants, ainsi que discipline et établissement d’exercice.

De son côté, le ministre de l’Education Xavier Darcos a « condamné avec fermeté l’ouverture de tels sites ».

Le tribunal des référés a ordonné lundi 3 mars la suspension de toute donnée nominative sur le site « note2be.com », qui propose aux élèves de noter leurs profs nommément.

Le tribunal a enjoint la société éditrice « de suspendre sur le site www.note2be.com l’utilisation de données nominatives d’enseignants aux fins de leur notation et leur traitement, ainsi que leur affichage sur les pages du site », y compris le forum de discussion.
Ce site Internet avait provoqué une levée de bouclier dans la communauté éducative.

Trois questions de fond centrales : la protection de la vie privée ; la garantie statutaire des enseignants d’être notés de manière contradictoire et par leur hiérarchie ; la liberté d’expression.
Dans l’assignation, « le retrait du site de toute mention à caractère nominatif » était demandé car « la conception et l’exploitation de ce site sont générateurs d’un trouble manifestement illicite ».

De même, « aucune disposition de la loi n’autorise à constituer un fichier nominatif de personnes cibles d’appréciations quelles qu’elles soient », invoquant une infraction à la loi informatique et libertés.
Saisie de 17 plaintes, la CNIL a confirmé le caractère « illégitime au regard de la loi » du site le 6 mars.

Juste une réflexion… Si la justice accordait ce droit (ce qu’elle ne fera certainement pas, même en appel), la réciprocité autoriserait de facto les enseignants à mettre en ligne une évaluation de leurs élèves, nominativement bien sûr !

Peut-être a-t-on oublié l’atteinte à la vie privée ?