RÉFORMES

mardi 11 septembre 2007
par  Sud éducation 66

Depuis combien d’années ce mot de réformes ne désigne-t-il plus une simple modification, voire une tentative pour améliorer un aspect de la vie sociale ? Ceux qui se souviennent du bon vieux service militaire savent que les réformés étaient les inadaptés à la vie militaire. Il arrive encore qu’on envoie à la réforme les vieux meubles dans la fonction publique. N’est-ce pas ainsi qu’il faut entendre les réformes qu’annonce le gouvernement ?

Les régimes spéciaux des retraites vont être réformés. Personne ne sait vraiment de quoi il s’agit. TF1 nous assure qu’il s’agit de privilégiés. Les sondeurs nous garantissent que deux Français sur trois sont pour. Cela suffit. Le jour où l’on rétablira le droit de châtier les esclaves, nul doute qu’un sondeur trouvera deux Français sur trois pour être d’accord. Et puis cet argument. Avant le travail était pénible. Maintenant non. Donc il faut travailler plus longtemps. Est-ce à cause de la pénibilité du travail que les cheminots peuvent prendre leur retraite à 50 ans tout en devant cotiser 37,5 ans pour avoir une retraite pleine calculer sur les 88% du salaire de leurs six derniers mois de carrière ? Quelle est la retraite d’un cheminot qui a commencé à travailler à 20 ans ?

Le progrès technique ne devrait-il pas permettre de travailler moins tout en gagnant autant voire plus pour pouvoir s’occuper de soi, pour se cultiver, pour avoir les meilleures relations familiales possibles, pour passer du temps avec ses amis, ses amours ? Je m’égare.

La fonction publique va être réformée. Entendons : elle est amenée à disparaître.

Il faudrait mieux payer les fonctionnaires en recourant aux heures supplémentaires et en diminuant le nombre. Nul doute qu’au bout de 48 heures de travail ininterrompu une infirmière ou un policier sera plus efficace. On rêve de gain de productivité. Deux policiers poursuivaient un voleur : pourquoi pas l’inverse ? Une infirmière utilisait ses deux mains pour faire une piqûre : pourquoi pas l’inverse ? Pourquoi ne pas demander à chaque instituteur de multiplier par deux son horaire, bref, 52 heures et donc deux classes par semaine ?

L’absurdité du principe n’est rien à côté de la morale qu’il suppose. Chaque fonctionnaire n’aurait qu’à s’occuper que de lui, que de son revenu, de sa carrière, etc. Bref, le dernier de ses soucis : les autres, le service public. Et encore, s’il reste fonctionnaire.

Certes, en soi, le statut de fonctionnaire n’est pas un dogme. Le CDI n’est pas une insulte. Pourquoi donc ne pas recruter en CDI une partie des fonctionnaires surtout s’ils peuvent négocier leur contrat et obtenir de meilleures rémunérations ? C’est oublier deux éléments.

Le recrutement des fonctionnaires par concours, même s’il est loin d’être parfait, assure une certaine égalité des concurrents. Qui recruter en CDI ? Des juges ? Ceux qui assureront qu’ils feront preuve de mansuétude pour les abus de biens sociaux ?

Et surtout, la garantie de l’emploi assurait jusque là au public la possibilité d’un rapport au fonctionnaire qui soit celui d’un service public et non d’un échange marchand. Faudra-t-il demain s’occuper plus et mieux de certains élèves pour ne pas être licencié ? Et pourquoi pas ne s’occuper que de ceux qui laisseront une enveloppe ?

Réformer le statut de fonctionnaire, c’est donc réformer, c’est-à-dire mettre à la casse le service public.

Le but des différentes réformes : instituer comme seule relation humaine, le rapport marchand, comme seule morale, le calcul égoïste, comme seule politique, le triomphe de la richesse.

Patrice Bégnana