Sois prof et tais-toi !

lundi 3 juin 2019
par  Sud éducation 66

Nicolas Pierre

La répression gouvernementale, les intimidations et les menaces de sanction contre les personnels s’amplifient et se généralisent.
Alors que le ministre Blanquer a fait adopter par l’Assemblée Nationale puis le Sénat sa loi pour une école de la confiance, en même temps, une répression de la contestation des réformes Blanquer sévit sur tout le territoire. Le gouvernement n’hésite pas à utiliser sa police pour s’attaquer physiquement aux enseignant·e·s en lutte alors qu’ils et elles participent à des actions et des manifestations de personnels de l’éducation mais aussi au mouvement des gilets jaunes ou à la sensibilisation de l’urgence sociale et climatique.
Petit tour de France de l’arsenal mis en place : convocations, pressions, mutations, mesures d’intimidation contre les personnels qui s’expriment contre sa politique, répression syndicale.

Bobigny (93) : quatre collègues en collège sont menacés de sanctions et de mutations forcées alors que leur dossier administratif censé contenir toutes les pièces des faits reprochés est vide. Leur point commun : être syndiqués et très impliqués dans la vie de ce collège, bastion syndical toujours en pointe des mouvements sociaux dans le département de la Seine-Saint-Denis.

Villefranche/Saône (69) : une professeure est passée au tribunal. Ce qui lui est reproché ? Une action non violente et médiatique au sein du collectif Alternatiba. En effet, elle est allée avec d’autres décrocher le portrait de Macron dans la salle des mariages d’une commune de l’Ain pour sensibiliser sur la gravité de l’urgence climatique. Le portrait ne sera rendu que lorsque des actions concrètes seront mises en œuvre pour la sauvegarde de la planète et des générations futures.

Amiens (80) : samedi 25 mai, le centre-ville a été bouclé rue par rue par les forces de répression. Tout autour, de petits groupes munis de gilets jaunes et de pancartes ont contourné le dispositif policier pour converger vers la gare.
Depuis le matin, le harcèlement policier ne s’est pas interrompu : fouilles au corps permanentes (jusqu’à quatre pour arriver jusqu’au cortège), contrôles de l’identité des militant·e·s des organisations syndicales et politiques qui installaient les stands au départ de la manifestation.
Les forces de répression ont monté une souricière pour les manifestant·e·s destinée à les empêcher de suivre le parcours déposé en préfecture. Le dispositif déployé, tant par les effectifs massifs que par les moyens déployés (hélicoptère, canons à eau, hurlement permanent des sirènes des camions de CRS et de gendarmes) relevait d’une véritable stratégie de la tension anxiogène de la part du pouvoir.
Au moment de la dispersion, les manifestant·e·s qui quittaient pourtant les lieux de leur propre chef ont été chargé·e·s, gazé·e·s, frappé·e·s. 70 personnes ont été interpellées. Parmi elles, des mineur·e·s, des camarades de Solidaires 59, et deux camarades de SUD éducation identifiables aisément par leur affichage syndical, dont la porte-parole de Solidaires Somme.
Ce sont là de véritables entraves au droit de manifester. Castaner n’hésite pas un seul instant à faire instituer la répression syndicale.

Lodève (34) : un directeur d’école s’est permis de critiquer la politique actuelle de notre ministre sur une radio locale. Le DASEN de l’Hérault n’a visiblement pas apprécié puisqu’il a convoqué ce collègue pour un entretien de «  recadrage  ». Il lui a ensuite reproché par courrier son attitude vis-à-vis de la politique ministérielle !

Toulouse (31) : une grève est reconduite depuis le 14 mai contre les lois Blanquer et la réforme de la fonction publique. Tous les jours sont prévus actions, rassemblements et manifestations. La police toulousaine et le préfet ont répondu de manière totalement disproportionnée à la manifestation enseignante du 21 mai : gazage, envoi d’un l’hélico, des policiers avec lanceurs de lacrymogènes prêts à tirer… Deux collègues, dont un délégué syndical, ont été interpelés avec violence. Ces arrestations sont intervenues alors même qu’ils venaient d’appeler à la dispersion de la manifestation et étaient tout simplement en train de discuter après la manifestation.

Pour suivre l’évolution inquiétante de cette répression qui s’abat sur les personnels de l’éducation, SUD éducation en publie une cartographie :
https://www.sudeducation.org/Repression-du-mouvement-social-dans-l-education-SUD-education-propose-une.html
Cette montée sans précédent de la répression confirme qu’à travers l’article 1 de la loi Blanquer(1) relatif au devoir d’exemplarité, il s’agit en fait d’introduire de manière contradictoire aux dispositions prévues dans le statut de la Fonction Publique, la notion de délit d’opinion pour les personnels et tout particulièrement pour les militants syndicalistes.
Dans un communiqué commun du 22 mai, « les fédérations FNEC FP-FO, FERC-CGT et SUD Éducation dénoncent les arrestations arbitraires et les tentatives d’intimidation qui se multiplient.
Elles exigent l’arrêt des poursuites à l’encontre de tous les collègues précités.
Elles demandent au ministre de mettre un terme aux menaces de sanctions dont sont victimes de nombreux personnels en raison de leur opposition aux réformes gouvernementales. »

(1) « Par leur engagement et leur exemplarité, les personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique également le respect des élèves et de leur famille à l’égard de l’institution scolaire et de l’ensemble de ses personnels. »