SORTEZ LA RÉFORME DES LYCÉES PAR LA PORTE, LE MINISTRE LA FAIT RENTRER PAR LA FENÊTRE

samedi 14 mars 2009
par  Sud éducation 66

Par Patrick Billard

Vous l’avez crue enterrée au mois de décembre après les blocages lycéens, mais c’était sans compter sur l’habileté de notre ministre qui s’acharne à trouver qu’il a raison envers et contre tous en aménageant juste un peu sa stratégie. La réforme va être « expérimentée » dès la rentrée 2009 dans certains lycées, dont peut-être le lycée Maillol. Il sera alors facile d’affirmer, à l’avenir, que la modernisation est en cours et qu’elle produit déjà des (bons) résultats.

Voilà comment la pseudo réforme est réapparue au lycée Maillol : au moment des discussions de couloirs sur la dotation horaire pour la rentrée, on apprend qu’il pourrait y avoir cinq postes supplémentaires et qu’il suffirait de présenter des « projets », au titre du « lycée expérimental ». C’est ce que sont invités à faire les profs de disciplines souvent les plus exposées aux restrictions budgétaires. Dix jours plus tard, à la lecture de la fiche de présentation de projets du rectorat on prend alors seulement conscience des arrières pensées de la démarche. Cette fiche doit contenir explicitement un engagement sur des « projets d’innovation en matière d’organisation », projets parmi lesquels figurent un « accompagnement individualisée de certains élèves », une « semaine de bilan et d’orientation en milieu d’année » et quatre conseils de classe au lieu de trois, en l’occurrence des dispositifs phares de la réforme. Il faut y ajouter des « séquences de préparation à l’enseignement supérieur à la fin de l’année et pendant les vacances d’été », des stages actuellement testés au lycée Maillol au titre du dispositif dit « lycée de la réussite ».

Cette façon de manipuler les enseignants au service d’une expérimentation qui ne dit pas son nom est certainement discutable, mais ce n’est pas tout car on sait depuis que le lycée Maillol est mis en concurrence avec le lycée de Céret pour l’obtention des cinq postes supplémentaires sur la base de projets soi-disant innovants.

Mais où est l’innovation ? Où est la liberté pédagogique des équipes vantées par ailleurs, quand on demande de mettre en place des dispositifs majoritairement refusés et quand on installe une batterie d’indicateurs quantitatifs (de validité discutable) pour évaluer et influencer toute l’action à venir ?

La réforme des lycées refoulée un premier temps fait donc retour (ce n’est pas un acte manqué) en utilisant une technique omniprésente à toutes les politiques publiques actuelles (LOLF, RGPP, réforme de l’université, des hôpitaux…), le « benchmarking ». Emprunté au management des entreprises privées, cette procédure repose sur une mise en concurrence et une évaluation comparative des services. Les objectifs à atteindre sont quantitatifs et l’efficacité mesurée au moyen d’indicateurs connus de tous. Les agents, les services sont continuellement évalués, comparés, les plus performants sont valorisés et les autres stigmatisés ; il n’est qu’à voir l’utilisation qui est faite des évaluations en CM2 pour comparer les écoles, des taux de réussite au bac pour classer les lycées ainsi que la nouvelle procédure de recrutement des co-enseignants qui seront jugés sur leurs résultats (voir article dans le journal). Plus largement, on nous habitue au classements des hôpitaux, des universités pour légitimer la constitution des « pôles d’excellence » et la fermeture des « derniers de la classe ».

Ce paradigme du marché régulateur, avec sa logique du « marche ou crève », va s’imposer dans l’éducation si nous nous soumettons à ses principes d’obtention de financement sur la base de projets artificiellement provoqués. Or ce système est aliénant et inefficace. Aliénant car les agents auxquels on fixe des objectifs qui par nature s’éloignent s’ils sont atteints, sont soumis à une pression d’autant plus intolérable qu’elle est diffuse. Inefficace car on referme le champ des solutions possibles sur la seule recherche de la compétitivité et que l’on renonce à réduire les inégalités entre établissements.

La résistance à de telles pratiques commence par un dévoilement de l’idéologie à l’œuvre derrière un discours techniciste. En se parant des attributs de l’objectivité il ne s’agit rien moins que d’inscrire, avec toute la violence d’un pouvoir qui ne dit pas son nom, le modèle néolibéral au cœur du système éducatif.

Dernière minute :
On vient seulement de connaître la morale de l’histoire : le lycée Maillol ne participera pas à ce dispositif de lycée expérimental, car c’est le lycée de Céret qui a été choisi. Son projet, qui reprend plus fidèlement celui de la réforme de seconde lui permettra de bénéficier des 5 postes supplémentaires lors de la rentrée prochaine.