Soyez propre, parlez Blanquer

lundi 4 octobre 2021
par  Sud éducation 66

Nicolas Caveribère

Un point de plus pour le ministre Blanquer qui, par ses manigances, a réussi non pas à remettre en question mais à illégaliser l’enseignement immersif en langues minorisées – ou langues dites régionales comme se plaisent à les nommer les différents gouvernements jacobins.

Largement adoptée à l’Assemblée Nationale le 8 avril dernier avec 247 voix pour et 76 contre, la loi Molac a vite été reprise par 61 membres – magouilles du cabinet ministériel – de la majorité qui ont saisi le Conseil Constitutionnel.
Si la saisine portait initialement sur l’article 6 relatif à l’enseignement privé en langues minorisées, celui-ci a bien été accepté par le Conseil Constitutionnel. Ainsi, pour les élèves ne pouvant avoir accès à l’enseignement d’une langue minorisée dans l’établissement public de leur commune, la loi introduit donc bien un forfait scolaire versé à une école privée immersive d’une ville voisine.
Le Conseil Constitutionnel s’est cependant attardé sur deux autres articles de la loi, dont l’article 4 portant sur l’enseignement immersif en langues minorisées contraire à l’article 2 de la Constitution « La langue de la République est le français. »
Les écoles immersives publiques sont soumises au même cadre que le reste des écoles. Recrutement et inspections des enseignants, programmes scolaires, évaluations nationales… Ces dernières démontrent que le modèle pédagogique d’immersion n’est en rien un frein dans l’apprentissage du français. Au contraire, la maîtrise d’une seconde langue vient renforcer la connaissance de la première.
Les détracteurs de l’enseignement en immersif ont trouvé un porte-parole en la voix du professeur de linguistique Alain Bentolila affirmant qu’« apprendre à défendre la nation en français fut un facteur de mixité sociale. »
Qu’en est-il aujourd’hui de la mixité sociale dans les écoles de la nation ? Ou, peut-on se demander plutôt, que fait l’État pour maintenir une mixité sociale dans ses écoles ? Depuis des années, la fuite d’élèves dans le privé s’est transformée en vannes ouvertes donnant lieu à une ghettoïsation des écoles publiques. La scolarisation dès trois ans a permis le financement de structures privées au détriment des établissements publics.
Si l’article 1 de la Constitution définit l’État français comme une « République indivisible, laïque, démocratique et sociale », doit-on remettre en cause l’enseignement privé religieux ?
Si l’immersion en langue minorisée semble ébranler la République et sa Constitution, qu’en est-il des écoles internationales et les immersives privées en langue anglaise ?
L’autre article censuré concerne les accents inexistants dans la langue française comme ú, í, ó, ò ou encore ñ. Une vision linguistique proche de la période post-colonialiste du XIXe siècle, quand aujourd’hui la start-up nation se conjugue en anglais.

Pour mieux comprendre les enjeux de l’école d’aujourd’hui, la philosophe Marina Garcès nous invite à nous placer du côté de l’apprenant et à nous demander comment nous voulons être éduqués, comment nous voulons vivre.
Le ministre ne s’est jamais caché de sa vision entreprenariale de l’école. Son projet d’école libérale et réactionnaire pour renforcer le tri social dévolu à l’école et placer les élèves sur le marché du travail prime sur les libertés pédagogiques.
Mais le ministre reste sourd aux réponses qui pourraient émaner de la société. Ovidi Montllor, chanteur du País valencià lui aurait répondu que « els que no volen que es parli, s’escrigui i es pensi en català són els mateixos que no volen que es parli, s’escrigui i es pensi. »