Stage PLUS que plein temps, stagiaire PLUS qu’en galère !

lundi 2 octobre 2017
par  Sud éducation 66

Héléna Molin

On la croyait disparue, cette aberrante formule de stage à temps plein devant élèves. Une idée saugrenue, sortie tout droit du cerveau embrumé de quelques idéologues de droite ne connaissant rien à l’enseignement, mais prétendant le régir, à la grande époque du quinquennat Sarkozy et de son ministre Chatel.
Aujourd’hui, les stagiaires des concours externes du 1er et du 2nd degrés sont à mi-temps devant élèves... mais c’est la forêt qui cache l’arbre de cette poignée de lauréats des concours internes ou réservés, anciennement contractuels ou titulaires changeant de corps, qui eux continuent à subir ce bizutage institutionnalisé.
Une aberration qui perdure dans une quasi-indifférence générale pour ces collègues qui, sous pression de titularisation, sont contraints de travailler plus qu’à temps plein et, en quelque sorte, de payer leur formation !

Un temps plein, c’est un temps plein !
Rappelons-le, la semaine de travail d’un enseignant est déjà bien chargée : 44 heures en moyenne pour les professeurs des écoles (et 20 journées de congés sacrifiées), 42 heures en moyenne pour les certifiés (et 12 jours de congés sacrifiés) [1]... on est bien loin de la honteuse caricature de l’ancien président Sarkozy pour qui les enseignant·e·s travailleraient à mi-temps la moitié de l’année [2] !

La formation, c’est du temps de travail !
Rappelons également que les actions de formation doivent se faire sur temps de travail. C’est un droit, la formation ! Cette formation peut être organisée par l’institution, par les organisations syndicales (occasion ici de rappeler que vous avez droit à 12 jours de formation syndicale par an !), par d’autres organismes dans le cadre du DIF (droit individuel à la formation) ou du congé de formation.

Exiger un travail sans rémunération, c’est de l’exploitation !
Si on utilise l’équivalence suivante, 1 heure de cours = 2 heures de travail (ce qui est en deçà de la réalité, surtout pour des stagiaires !), on peut donc considérer qu’une journée de formation devrait équivaloir à 3 heures de décharge de cours. Les semaines où ils ont une journée de formation, nos stagiaires « plus que temps plein » travaillent donc gratuitement au moins 6 heures ! En effet leur emploi du temps est aménagé (pas de cours le mardi dans l’Académie de Montpellier) pour pouvoir suivre leur formation sans perdre une seule heure devant élèves. Étant donné qu’on demande cette année aux stagiaires d’effectuer 24 jours de formations, c’est au moins 150 heures de travail extorquées !

Des économies de bouts de chandelles sur le dos des anciens précaires
« Donner 3 heures de décharges à quelques centaines de stagiaires, ça reviendrait cher ! », arguerait certainement quelque technocrate du ministère. D’autant que ces stagiaires ont « de l’expérience »… traduisez « l’habitude d’être mal traités, mal rémunérés, souvent sans congés payés, depuis plusieurs années » ! Eux qui sont allés au charbon sans aucune formation et ont survécu aux conditions de travail les plus pénibles, eux qui ont supporté la précarité, l’exploitation et qui touchent enfin du doigt le Graal d’une titularisation, ils n’iront certainement pas se plaindre !

Plus qu’à plein temps, plus qu’en galère…
Temps de transports conséquent, garde d’enfants… c’est plus que la galère pour ces stagiaires ! Plus âgés que les lauréats des concours externes, ils ont bien souvent une maison, des enfants… Cela mériterait d’être pris en compte ! Or nombre de stagiaires se retrouvent en poste dans un établissement éloigné de leur lieu de résidence. Il faut ajouter à cela l’éloignement du lieu de formation qui oblige par exemple nos stagiaires des Pyrénées-Orientales et de l’Aude à faire régulièrement l’aller-retour à Montpellier dans la journée !

Un moyen de pression : la titularisation
Bien consciente que le dispositif est à la limite de la légalité et qu’on peut difficilement opérer une retenue sur le salaire de quelqu’un qui effectue de fait l’intégralité de son service, les moyens de pression de l’institution sont surtout psychologiques. Quand j’étais stagiaire, sachant que certaines formations transversales à Montpellier risquaient de ne pas attirer grand monde, l’ordre de mission stipulait « présence de Mme le Recteur »… ce qui n’était finalement pas le cas ! Désormais les moyens de pression sont plus vicieux : par exemple, en cas d’absence à une formation, vos formateurs et votre tuteur (dont les rapports sont déterminants pour votre titularisation) peuvent être prévenus illico par mail…

Exigeons de bonnes conditions de stages et des formations de qualité pour tou·te·s !
Au vu de tous ces éléments, revendiquons de meilleures conditions de formation pour ces personnels, c’est-à-dire une décharge de cours conséquente qui prendrait en compte non seulement le temps effectif de formation, mais aussi les besoins accrus en temps de préparation d’un stagiaire, ainsi que les contraintes liées aux transports sur les lieux de travail et de formation.

Ces stagiaires « plus qu’à plein temps » ne sont pas seulement des personnels exploités qu’il faut défendre, ils sont aussi le symbole du délitement de la formation professionnelle, tant initiale que continue, dont nous faisons tou·te·s les frais dans l’Éducation nationale !