Vers une précarisation de la formation

jeudi 1er janvier 2004
par  Sud éducation 66

La forme moderne d’exploitation capitaliste qu’est la mondialisation libérale s’exprime plus volontiers aujourd’hui par une volonté de répondre en « temps réel » aux besoins du marché. Or ces besoins sont instables, soumis aux paris des investisseurs, à la spéculation. Sur le marché de l’emploi, cela se traduit par une précarité croissante dont le chômage ne serait qu’un des moments nécessaires. Il est évident que la recherche actuelle du profit le plus immédiat ne fait qu’aggraver le phénomène.

En outre, le salaire versé étant entendu comme un manque à gagner pour les actionnaires - et non comme la juste contrepartie d’une création de richesse, licenciements et précarité peuvent aussi se penser dans un contexte de croissance (le prétexte de la crise évoqué par les néo-libéraux pour la mise en ouvre de leur politique est une escroquerie intellectuelle). L’économiste J. Marseille l’a récemment, et après d’autres, noté pour ce qui est de la France : les périodes de croissance économique sont marquées par une forte augmentation de la productivité du travail, plutôt que par un retour à l’emploi. On serait en quelque sorte de moins en moins à travailler de plus en plus. Il y a donc une précarité créée de façon artificielle par l’économie de marché et à laquelle la formation ne saurait être un remède. Nous sommes ici au comble du cynisme social.

Et l’Etat ? Eh bien, il s’inscrit dans cette démarche, et l’encourage même en privatisant les bénéfices (privatisation des services publics les plus rentables) et en socialisant les pertes (Crédit Lyonnais.). Et quant à l’une de ses missions fondamentales, à savoir l’éducation, il s’apprête aussi à la soumettre aux règles du marché. Car enfin, comment ne pas répondre à la précarité de l’emploi par la précarisation des formations ? Si l’on mène à leur terme logique les décisions gouvernementales prises depuis plusieurs années (décentralisation, Groupement d’Intérêt Public intégrant des entrepreneurs privés), on s’apercevra que plus une formation a une pertinence strictement locale et s’inscrit dans une durée brève, meilleure elle est pour lui. Ainsi les entrepreneurs locaux susciteront les filières de formation, le contenu des programmes en fonction de leurs besoins à plus ou moins court terme. Il leur sera permis de sous-traiter auprès des Lycées - ce qui est déjà souvent le cas ! certaines productions à titre quasi gratuit. Pour ce qui est de la culture dispensée dans les établissements, elle devra être celle de l’entreprise, et très prudemment s’y limiter. Il serait bien « contre productif » d’enseigner à l’école la liberté, la responsabilité, la réflexion et autres valeurs passées de mode.

Pour l’élève, les conséquences sont déjà dramatiques. Victime d’un présent-prison où aucun désir ne peut s’affirmer au-delà de la simple réponse du jour le jour, héritier des errements professionnels de ses parents avec ce que cela comporte d’angoisses, de détresses humaines, il se verra enseigner la servilité de mise dans une société fondée par la loi du plus fort. Mais peut-être devrions-nous nous taire au nom de la liberté d’expression qui nous est encore trop largement octroyée. Nous autres, enfants gâtés du système ! Quand cesserons-nous donc de mordre la main qui nous nourrit ? C’est de la nouvelle philosophie. Comprenne qui pourra !

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