« Voilà une classe qui se tient sage ! »

lundi 17 décembre 2018
par  Sud éducation 66

Marc Anglaret

Vous avez très probablement vu ces images. Jeudi 6 décembre, à Mantes-la-Jolie (78), suite à des incidents survenus près du lycée Saint-Exupéry, plus d’une centaine de jeunes, peut-être 150, ont été interpellés dans des conditions qui ont suscité, à juste titre, une vague d’indignation politique et médiatique. Selon deux journalistes présents sur place, les jeunes ont été maintenus à genoux pendant quatre heures environ (entre midi et 16 heures), pour certains menottés, les autres les mains sur la nuque : les policiers n’avaient pas assez de paires de menottes ; c’est confirmé, le manque de moyens ne touche pas seulement l’Éducation nationale. Les enseignant·e·s devraient d’ailleurs avoir droit à des stages de formation pédagogique chez les policiers, puisqu’on entend dans la vidéo l’un d’eux qui affirme, devant les jeunes à genoux : « Voilà une classe qui se tient sage ! ». L’un de ses collègues est moins sarcastique, mais plus vigilant : « On lève pas la tête, on regarde droit devant ! »
Pourquoi avoir maintenu ces jeunes à genoux aussi longtemps, dans de telles conditions ? Les policiers étaient en sous-nombre et attendaient des renforts afin de pouvoir procéder aux arrestations, affirme la police.
Jean-Michel Blanquer a dû avouer le lendemain sur France Inter : « Quand j’ai vu ces images moi-même, j’ai évidemment été choqué ». Mais un bon ministre de l’Éducation nationale est un bon pédagogue. En novembre dernier, notre ministre était l’invité de l’émission « Au tableau » sur la chaîne de télévision C8. Ayant subi une interrogation surprise au cours de laquelle il conjugua « je couru » et « il / elle courra » au passé simple, il fit un touchant éloge des vertus de l’erreur. Répondant aux questions du journaliste de France Inter, il est à nouveau pédagogue : « Vous parlez, vous les journalistes, de l’éducation à l’image. Nous en parlons aussi à l’Éducation nationale. Il faut faire très attention aux images découpées ». Il faut « remettre les images dans leur contexte », explique-t-il. C’est également le discours de Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, lors d’une conférence de presse, le 7 décembre également : « Les images sont dures mais il est important de les replacer dans un contexte ».
Selon nos gouvernants, il y a donc en France, aujourd’hui, un « contexte » qui justifie que des êtres humains soient agenouillés et humiliés par des policiers pendant quatre heures. Nous sommes rassurés.