APPRENTISSAGE À 14 ANS : C’EST INACCEPTABLE !
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Depuis 1959, date de la portée à 16 ans de la scolarité obligatoire, toute une partie de la droite et du patronat a toujours condamné cette mesure qui le privait d’une main-d’œuvre malléable. Kaspereit, député RPR résumait déjà crûment la situation il y a quinze ans : « A 14 ans, on peut leur faire mettre la main dans la saleté ; à 16 ans, on n’a plus d’influence sur eux ».
Dès les années 70 les lois Royer et Fontanet proposaient le pré-apprentissage dès 14 ans. Il s’agissait alors de sortir du système scolaire des élèves « qui sont, selon la terminologie des Instructions officielles de l’époque, par nature (c’est nous qui soulignons) et par goût orientés vers le pratique, le tangible, le réel », bref de faire du tri social même pas déguisé.
Dans les années 90, une autre partie du patronat -et de la droite- présentait l’apprentissage comme une “voie de réussite” et rêvait de sélectionner à son profit et de glisser dans son moule ceux qu’elle arracherait au système scolaire. « Devenez ingénieur par l’apprentissage » était le nec plus ultra de ce courant.
Aujourd’hui, deux tendances coexistent : l’une pour qui l’apprentissage, présenté comme la solution à la providentielle “crise des banlieues”, doit permettre de mettre certains jeunes au travail précocement et d’exploiter cette main-d’œuvre peu qualifiée, l’autre qui, à l’instar du Medef, veut « la création d’un véritable partenariat entre l’école et l’entreprise » qui lui permette d’orienter toute la politique éducative en fonction de ses intérêts économiques immédiats (le “succès dans la compétition économique internationale”). Tous s’accordent pour développer l’apprentissage et le Plan de Cohésion Sociale de Borloo veut atteindre 500 000 apprentis en 2009.
Le projet d’apprentissage à 14 ans est aussi une pierre jetée dans le jardin des Régions qui ont « compétence en matière d’apprentissage » (notamment pour construire les CFA). Mais il suppose aussi une réforme du droit du travail, réclamée par la puissante Union patronale des Industries Métallurgiques, qui sera délicate. Chez les patrons, les avis ne sont pas unanimes : si par exemple le président de l’UMIH (hôtellerie) considère que « c’est une mesure de salut public », un dirigeant régional de l’Union Professionnelle Artisanale expliquait récemment « Nos métiers sont de plus en plus techniques et requièrent un bagage d’instruction générale qui nécessite largement d’aller à l’école jusqu’à 16 ans. Un gosse en difficulté serait déphasé dans les cours actuellement dispensés dans les centres de formation par l’apprentissage ». Aussi des solutions alternatives sont en préparation : extension du pré-apprentissage, système d’apprentissage “relié au collège”, …
Dans tous les cas, ce dont il s’agit, c’est de la remise en cause pour certains jeunes -ceux des catégories populaires- du droit à bénéficier jusqu’à 16 ans d’une éducation et d’une formation générale et polytechnique offertes par le service public d’éducation, et qui contribuent à lui permettre, par les connaissances, par la réflexion, par l’esprit critique, d’acquérir une certaine maîtrise sur son devenir. Et c’est inacceptable.
Sud éducation 63