LA PRIVATISATION DE LA RÉPUBLIQUE
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Dans une interview accordée à Radio Notre-Dame, le ministre Robien a notamment déclaré : « Le privé, c’est aussi l’Education nationale, l’école de la République ». La presse s’est empressée d’y voir un nouvel épisode de la guerre scolaire. Marianne titre « La guerre scolaire n’aura pas lieu », le Nouvel observateur plus sobrement « Ecole : Robien pour l’égalité public-privé ». C’est qu’en effet, le privé, c’est surtout l’enseignement catholique. Dans le même temps, les établissements privés sous contrat voient le nombre de postes qui leur est alloué diminué malgré la hausse apparente de leurs effectifs. Alors, incohérent Robien ? Nullement !
La vraie guerre scolaire n’est plus seulement celle entre l’enseignement laïc et l’enseignement confessionnel. Cette guerre-là est pour l’instant recouverte par une guerre plus profonde, celle que mène le néolibéralisme pour qui le marché est le principe fondamental, contre la République. Relisons donc Robien : « Avoir ce choix est une liberté de plus qu’offre l’enseignement privé, une chance à portée de main à saisir ou non. »
L’essentiel dans l’éducation pour le néolibéralisme n’est ni ce qu’on enseigne, ni dans quelles conditions cet enseignement est reçu, c’est le choix, et par choix, le néolibéralisme n’entend pas le choix collectif, mais un choix individuel, bref, la précarité. L’égalité de traitement qu’il prône consiste donc à diminuer les moyens du privé sous contrat comme de l’enseignement véritablement public. Elle consiste à préparer la véritable privatisation de l’Education nationale.
Et elle a commencé. Après les emplois-jeunes, les emplois “vie scolaire”. Après la garantie d’un contrat de cinq ans, un contrat de six mois renouvelable trois fois. Pour les professeurs titulaires, le choix du protocole par lequel ils pourront détruire leur garantie statutaire en effectuant des heures de remplacements devant des élèves.
Il est certes facile de faire remarquer qu’un professeur qui a un service complet doit préparer ses cours et corriger ses copies, qu’il ne pourra assurer de véritables remplacements comme les anciens titulaires remplaçants, qu’il est absurde de remplacer un collègue par un professeur d’une autre discipline, qu’il est facile d’imaginer que si le professeur de mathématiques est absent plusieurs semaines non consécutives, son remplacement par un professeur d’allemand dans une classe où aucun élève ne pratique cette langue serait une situation digne d’un Ubu corrigé par Kafka, bref, que ce projet n’a aucun sens. Or, si on replace ce projet dans le cadre de l’idéologie néolibérale, ce projet est tout à fait cohérent. Car, que demande-t-on aux professeurs ?
De préférer remplacer leurs collègues absents en étant rémunérés sur la base d’une Heure Supplémentaire Effective majorée de 25%. On les invite à préférer la garderie plutôt que de mener des actions de soutiens par exemple, pour leurs propres élèves. Bref, on leur demande de satisfaire leur seul intérêt personnel qui est pour le néolibéralisme, l’alpha et l’omega de la morale. On leur demande donc d’adopter le comportement du privé, qu’ils enseignent dans le vrai public ou dans l’enseignement privé confessionnel.
Contrairement à ce que veulent nous laisser croire nombre de journalistes, la guerre scolaire continue et les mesures gouvernementales ne sont cachées dans le cheval de Troie de l’intérêt des élèves que pour les aveugles ou les cyniques.
Patrice Bégnana