Les arbustes et la forêt
par
Marc Anglaret
Dès l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron il y un an et demi, SUD éducation a multiplié les mises en garde et les appels à la mobilisation contre les ravages qui s’annonçaient. Cette rentrée scolaire 2018 est dans la continuité de la précédente : quelques arbustes démagogiques qui ne cherchent même plus vraiment à cacher la forêt néo-libérale et réactionnaire.
Les arbustes démagogiques
◘ Les CP / CE1 à 12 en REP et REP+
La baisse des effectifs des classes fait partie des revendications majeures de SUD éducation. On ne compte plus les études qui prouvent le très fort impact positif d’un faible effectif sur les élèves les plus en difficulté. Ce que nous contestons, ce n’est donc évidemment pas ces effectifs à 12 (dans les faits, les mairies poussent plutôt à 13 pour les CP et à 15 pour les CE !), mais le fait que cette mesure soit mise en place sans créer les postes nécessaires, notamment en sacrifiant les dispositifs Plus De Maîtres Que De Classes, en augmentant les effectifs des autres classes et en ponctionnant encore plus les postes de remplaçant·e·s.
◘ Interdiction du portable dans les écoles et les collèges
Une décision qui semble de bon sens et qui ne coûte pas un centime, quelle aubaine ! Reste à savoir quels seront les moyens de faire respecter cette interdiction. Une fois de plus, les enseignant·e·s seront bien démuni·e·s face à cette mesure.
La forêt néo-libérale et réactionnaire
◘ Manque de postes de profs, de CPE, de surveillant·e·s, etc.
Cela fait longtemps que le ministère de l’Éducation nationale et donc les rectorats ne créent pas les postes nécessaires en fonction de la démographie, c’est-à-dire des besoins réels, mais en fonction d’une gestion purement idéologiques, néo-libérale en l’occurrence, de l’argent public : « il faut réduire le budget de l’État ». La récente annonce par J.-M. Blanquer de suppressions de postes (2600 supprimés dans le secondaire pour 1900 créés dans le primaire) pour l’année prochaine n’a dans ce contexte rien de surprenant. Les conséquences, nous les connaissons : fermetures de classes dans le premier degré, manque de personnels dans le second degré avec un recours accru aux travailleur·se·s précaires. C’est par exemple le cas dans les Pyrénées-Orientales : avec 460 élèves en plus dans les collèges cette rentrée 2018, le rectorat ne donne que 220 heures, à peine un tiers de ce qui serait nécessaire pour maintenir les conditions actuelles, pourtant souvent insuffisantes !
◘ Mise au pas pédagogique en primaire
Comme sous le mandat de N. Sarkozy, le ministre de l’éducation a publié en avril dernier quatre circulaires sur la lecture et le calcul, portant gravement atteinte à la liberté pédagogique des enseignant·e·s. La multiplication et la standardisation des évaluations (deux en CP et une en CE1, sans compter celle de sixième) renforce cette scandaleuse pression pédagogique de J.-M. Blanquer.
◘ Lycée à la carte : inégalités au menu !
Dans le cadre de la contre-réforme du lycée, ces premiers mois de la rentrée 2018 vont être ceux des tractations entre les lycées, avec les rectorats en guise d’arbitres, pour s’accaparer les spécialités les plus « prestigieuses », car il n’y en aura pas pour tout le monde ! La concurrence entre les établissements, que SUD éduc dénonce depuis des décennies, va ici atteindre des sommets.
◘ Parcoursup : manque de places d’étudiant·e·s dans les universités
Rappelons l’essentiel. Parcoursup, comme son ancêtre APB, n’existe que pour une seule raison : les gouvernements successifs ont peu à peu décidé de ne plus maintenir suffisamment de places dans les universités pour que tou·te·s les bachelièr·e·s soient assuré·e·s de pouvoir suivre des études supérieures. Selon la plupart des estimations, il manque environ 40 000 place d’étudiant·e·s en France, l’équivalent de 10 campus ! La conséquence est inévitable : là encore, il n’y en aura pas pour tout le monde. Pour pallier ce manque de places, APB faisait du tirage au sort. Scandaleux ? Oui, bien sûr. Qu’à cela ne tienne : Parcoursup sélectionne et c’est l’élève qui est rendu responsable de son sort pour dédouaner les politiques. C’est tout aussi scandaleux, mais la rhétorique du « C’est la sélection ou le retour au tirage au sort » (qui rappellera aux plus anciens « c’est le nucléaire ou la bougie ») semble avoir pris, y compris chez certain·e·s collègues, qui semblent voir dans cette sélection le moyen d’enfin « relever le niveau »… À SUD éducation, nous le disons clairement : ce n’est pas en empêchant les élèves en difficulté (à commencer bien sûr par ceux des classes populaires) de faire des études supérieures qu’on aura un enseignement de meilleure qualité. C’est en dotant l’école, de la maternelle à l’université, de moyens suffisants !
◘ Liquidation du service public d’orientation
Avec un mépris inouï pour les PSYchologues de l’Éducation Nationale, le ministère organise, dans l’indifférence générale, la fermeture des Centres d’Information et d’Orientation. Les PSY-EN ne savent pas à quelle sauce elles et ils seront mangé·e·s, mais la quasi-suppression des postes ouverts au concours depuis des années ne laisse malheureusement aucun doute sur la volonté ministérielle de liquider le service public d’orientation et d’ouvrir toujours plus la voie au « coaching » privé en guise d’orientation.
◘ Les syndicats, empêcheurs de manager en rond
Toutes ces mesures d’affaiblissement de l’Éducation nationale sont à comprendre dans la logique néo-libérale de destruction des services publics et donc de celles et ceux qui les défendent, les syndicats (heu… certains en tout cas). Deux exemples parmi de nombreux autres :
La fusion annoncée des Comités Techniques (CT) et des Comités Hygiène, Sécurité et Conditions de Travail (CHSCT) affaiblirait le contrôle des représentant·e·s des personnels et accentuerait la dégradation de nos conditions de travail.
Le ministre de l’éducation ne cache pas son intention de retirer aux Commissions Administratives Paritaires (CAP, où siègent les représentant·e·s des syndicats et de l’administration) leur mission concernant les mutations et de les confier aux chef·fe·s d’établissement. Si ces commissions paritaires sont certes perfectibles, elles permettent de limiter l’arbitraire ou le “copinage” dans les mutations et l’avancement par exemple.
Élections professionnelles fonction publique
Les élections professionnelles qui auront lieu dans la fonction publique début décembre 2018 seront l’occasion pour les personnels de l’éducation de donner leur confiance aux syndicats qui portent le mieux leurs valeurs et leurs revendications. À SUD éducation, nous luttons pour une École égalitaire, laïque et émancipatrice. Qu’elles soient le fait d’un gouvernement “de gauche” ou “de droite”, nous combattons les réformes quand nous les jugeons contraires aux intérêts des élèves, des étudiant·e·s et des personnels. À la différence d’autres syndicats, SUD éducation syndique tou·te·s les agent·e·s de la maternelle à l’université, précaires comme titulaires. Tout·e·s nos militant·e·s travaillent à vos côtés : il n’y a aucune décharge syndicale supérieure à 50 % du temps de service, même au niveau national.
Votez SUD éducation !